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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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navire, un petit tonnelet à emplir d’eau douce.
    — Pas maintenant ! Pas maintenant, Mathieu ! Non ! s’indignait faussement Algonde en tentant de lui échapper tout en conservant son avancée.
    Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, ces deux-là ne se quittaient plus. La nuit, le jour, aussi soudés que Mounia et Enguerrand ou Khalil et Elora.
    Présine s’attendrit.
    Excité par leur jeu, Bouba était venu en renfort de Mathieu et Noiraud se glissait dans les pattes d’Algonde en jappant, manquant la renverser.
    — Non, mais enfin, non ! C’est un complot ! Couché, le chien… Bouba… Mathieu… Si tu continues… HAHAHA !
    Harcelée de tout bord, sous les encouragements de Petit Pierre, Algonde finit par poser son bagage et se défendre. Elle n’obtint que de se voir renversée sur l’épaule de Mathieu, qui la fit tournoyer.
    Ils ont retrouvé leurs quinze ans, songea Présine avec joie. Les garderaient-ils en apprenant que c’était elle qui les leur avait volés ?
    Elle les abandonna à leur tourniquet. Dans quelques secondes, il se changerait en bataille. Déjà Mathieu encourageait les enfants à s’y engager.
    — Hardi, moussaillons, allez-vous laisser ce voleur d’eau s’en aller ?
    — Non !
    — Non !
    — Attendez un peu que je descende, vauriens, tempêtait Algonde en sentant les petites mains lui battre les fesses… Et vous autres, venez donc m’aider au lieu de vous esclaffer !
    Elle ne trouva personne parmi tous ceux de la communauté pour l’arracher à son époux, bien trop heureux de leur complicité retrouvée.
    Présine traversa le pont et gagna la petite cabine dans laquelle elle avait vu Elora se glisser.
    Elle toqua. La porte s’ouvrit sur la jouvencelle qui finissait de se préparer.
    — Entre, l’invita-t-elle en achevant de nouer les lacets de ses braies, mieux à l’aise dans ses vêtements d’homme qu’en ces jupes que sa mère continuait de préférer.
    Présine s’attarda sur la table qui tenait la moitié de l’espace. La carte de Merlin y avait été piquée, Elora ayant décliné son offre de les guider. Elle s’en détourna. Ce n’était pas la raison de sa visite.
    Elora s’était assise sur un des couchages pour enfiler une botte. Présine se lança.
    — Crois-tu que Marthe l’ait découvert ?
    La jouvencelle tira la langue. Le cuir refusait de coulisser le long de son mollet. Elle s’escrima quelques secondes avant de répondre.
    — J’ai laissé mon canal ouvert quelques minutes hier soir. Elle nous a vu ou senti arriver.
    — Ce n’est pas de cela dont je veux parler.
    Elora récupéra l’autre botte à terre avant de lever les yeux vers elle.
    — La vérité est un lourd fardeau, n’est-ce pas ?
    Présine hocha la tête.
    — Si lourd qu’il me fit tout renier pour la cacher, jusqu’à mes propres filles.
    Elora enfila son pied dans la tige.
    — Je sais.
    Présine se racla la gorge.
    — Mais tu n’as rien dit à la communauté… Pourquoi ?
    La jouvencelle se releva, sauta à pieds joints pour bien assurer le contact de ses talons sur la semelle. Puis, satisfaite, revint à Présine.
    — L’heure n’était pas venue. Et puis ce n’est pas à moi de le leur apprendre.
    La fée hocha la tête. Sa décision fut prise.
    — Tu as raison. Je le ferai. Ce soir, au dîner… Mieux vaut que ce soit moi que Marthe, n’est-ce pas ?
    Elora l’embrassa sur la joue avec tendresse. Présine se troubla.
    — L’amour peut-il tout justifier à ton sens ?
    — Non. Plantine ne te pardonnera pas.
    Présine soupira.
    — Je m’en accommoderai. Fais ce que tu dois.
    — Tu sais ce que cela implique, n’est-ce pas ?…
    — Oui, tu es venue au monde pour cela, affirma Présine sans mentir.
    — Elora ?
    La voix de Khalil derrière le battant.
    La jouvencelle l’ouvrit, courba la tête pour ne pas se cogner au linteau en sortant.
    — Alors quoi, je te manquais déjà ? dit-elle.
    — Presque. Nous sommes prêts à embarquer.
    Elle lui emprunta l’arrondi du bras.
    — Eh bien, embarquons… embarquons, mon prince…
    Il se mit à rire, Bouba bien calé en écho sur son épaule.
    Présine les regarda s’éloigner sur le pont revenu au calme. Tout paraissait si simple avec cette enfant. Présine se demanda comment elle avait pu découvrir son secret. Et s’en accommoder avec autant de sérénité. Qu’importe. Rien n’avait changé dans leurs rapports. La même tendresse évidente qu’hier

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