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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l’index puis se redressa, la peau irritée, pour s’essuyer à son mantel.
    — Ce n’est pas de l’eau. Je ne sais pas ce que c’est, mais ce n’est pas de l’eau.
    Elora, plantée devant l’étendue, songeuse, se retourna vers lui.
    — De l’urine. De l’urine de dragon.
    Ils écarquillèrent les yeux.
    — Es-tu sérieuse ? demanda Enguerrand.
    — À ton avis ? grimaça Khalil sous la douleur qui grandissait à ses doigts.
    — Il faut te rincer, s’empressa Constantin en débouchant une des gourdes.
    Pendant qu’il la vidait tout en frottant la brûlure, Nycola fit un tour sur lui-même pour observer les abords. Par-delà ce réservoir sur les berges duquel rien ne poussait, la lande s’étirait de nouveau, entrecoupée de canaux et de marécages, semblable à celles qu’ils avaient traversées jusque-là et surplombée d’autres collines.
    Elora avait raison.
    Ce lieu était une enclave. Particulière. Presque apaisante malgré sa désolation.
    Khalil fut rapidement soulagé, mais son mantel rongé par l’acide convainquit les autres que, tel quel, le sanctuaire était inviolable.
    — Où se cache le dragon en question, à votre avis ? s’inquiéta Lina.
    — Je l’ignore, mais il nous a survolés tout à l’heure, répondit Elora, les yeux rivés sur Nycola, toujours ténébreux.
    — Je me disais aussi… Une ombre pareille, lui concéda Constantin en rattachant sa gourde vide à sa ceinture.
    — Que suggères-tu, Elora ? demanda Mounia.
    — Et toi, Nycola ? répliqua celle-ci en guise de réponse, les faisant se retourner vers le Bohémien, reculé en lisière des herbes hautes et sèches pour mieux jauger de la configuration d’ensemble.
    Il ne fut pas surpris de la question.
    — Le dragon est un gardien, mandaté par Merlin comme mon aïeul avant moi pour protéger un temple. Il ne nous attaquera pas.
    Mounia poussa un petit cri de surprise.
    Par ces quelques mots, elle venait de comprendre à son tour. Le bas-relief du petit temple de Deir el Medineh. L’arche qui était représentée sur un des murs, surmontée d’un dôme puis du symbole Sokaris qu’avait enfoncé Elora… L’arche dont elle était persuadée qu’elle avait contenu la table de cristal était là sous leurs yeux. L’étang dans sa globalité en était la représentation conforme. Il lui suffit de reculer à la hauteur de Nycola pour s’en convaincre.
    Elle s’excita.
    — Il faut chercher le Sokaris. Celui-ci actionné, l’étang se videra, nous ouvrant l’intérieur de l’arche.
    Elora hocha la tête.
    Merlin avait raison. Elle n’aurait pas besoin de révéler quoi que ce soit, leur bel esprit de déduction s’y emploierait sur place. Il avait laissé suffisamment d’indices dans le petit temple pour cela.
    Déjà Mounia écartait les joncs et Khalil se précipitait sur chaque rocher.
    — À quoi ressemble ce Sokaris ? demanda Lina.
    — À une tête de rapace, répondit Nycola en examinant de plus près un petit tumulus de pierres.
    Constantin, lui, les laissant à leur quête, fixait le ciel bas, conscient de la présence de l’animal entre deux couches, épaisses, de nuages. Il reconnaissait son cri au milieu de ceux des oiseaux. Dans ses rêves de bestiaire, il avait déjà vécu ce moment-là.
    Elora se dirigea vers la dextre du réservoir. Elle trouva sans peine la roche de soubassement.
    — Je l’ai, dit-elle en enfonçant le symbole.
    Ils se précipitèrent pour voir se former une grosse bulle d’air à la surface. Elle explosa dans une odeur pestilentielle et un odieux gargouillement.
    Dans les secondes qui suivirent, un tourbillon se forma au-dessus du siphon et la pâle lumière du jour se voila d’une ombre imposante. Ils levèrent la tête de conserve, rattrapés par la terreur.
    La bête avait traversé la couche de brume et descendait vers eux, les ailes et la gueule grandes ouvertes.

71
     
    Arrachant son épée au fourreau, Enguerrand fut le premier à réagir.
    — Dispersez-vous dans les joncs ! gueula-t-il, prêt à les défendre.
    — « Je suis le gardien… Il n’attaquera pas… » Pfff… tu parles…, ronchonna Khalil en repoussant Lina et Mounia, tétanisées, vers les marais, avant de leur recommander de se coucher le nez au ras du sol.
    Elles s’empressèrent d’obéir, malgré la gangue dans laquelle elles s’enfoncèrent et les hautes tiges qu’elles écrasèrent.
    Khalil en aurait probablement fait autant s’il l’avait pu,

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