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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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pour user de ses pouvoirs.
    Le sac avait été jeté en travers d’une des montures.
    — Au pas, je la veux intacte à l’arrivée, avait exigé la Khanoum en se juchant, elle aussi, sur la selle.
    Elora en avait été soulagée, avant de découvrir la vie nocturne et mal famée des vieux quartiers. À pied elle offrait une meilleure cible qu’eux. Elle avait fini par les rattraper en courant, repoussant d’un geste lumineux et agacé ceux qui avaient espéré la détrousser ou la violenter.
    Cachée dans l’ombre de la façade, elle s’accorda quelques secondes pour reprendre son souffle. Battant le vent sur une chaîne mal scellée du passement de toiture, une enseigne n’affichait plus, au-dessus de sa tête, que quelques lettres illisibles.
    Son œil balaya le quai, baigné de clarté lunaire.
    La fréquentation du vieux port tendant, d’année en année, à se raréfier, n’y accostaient plus que les pêcheurs et certains équipages de mauvaise réputation. Elle aperçut quelques ombres furtives mais aucun signe de Khalil ni de Nycola. Elle prêta l’oreille. Outre les mâtures qui couinaient sous l’assaut d’un vent coulis, les coques des barcasses qui, par moments, s’éraillaient les unes contre les autres, le cri des oiseaux de mer, les glissements furtifs des vinassiers, le rire de gorge des putains, celui, gras, des matelots qui émergeaient des bouges environnants et la compagnie des rats qui grignotaient les déchets sur les pavés, lui parvinrent des bruits et des voix étouffés de l’intérieur même de la bâtisse.
    Décidée à jouer de l’effet de surprise, elle manœuvra le loquet. Ne trouvant aucune résistance, elle ouvrit alors la porte en grand, certaine de ce qu’elle allait rencontrer derrière, dans le halo des lanternes.
    Elle se trompait.
    La Khanoum avait disparu, un carré de janissaires se vidait de leur sang et une poignée d’eunuques s’avança vers elle cimeterre au poing, l’œil égaré.
    Revenue de sa surprise, Elora comprit la situation en une fraction de seconde. Marthe était déjà passée. Dans quel sens ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, mieux valait ne pas traîner là. Elle rabattit la porte du pied puis tendit ses bras en avant, paumes vers le haut, dans un geste d’apaisement.
    — Je ne suis pas responsable de ça et, comme vous le voyez, je n’ai pas d’arme.
    Ils n’en semblèrent pas davantage affectés. Les laissant s’approcher, elle balaya l’ensemble de la pièce, accrocha le « paquet », abandonné au sol près d’une flaque de sang.
    — C’est elle que je veux. Juste elle. Laissez-moi l’emmener, insista-t-elle dans un mouvement de menton dans sa direction.
    Peine perdue.
    Déjà l’un d’eux fondait sur elle, le sabre relevé dans un hurlement guerrier. Devant les yeux médusés des autres, il se heurta au halo de lumière qui enveloppa Elora de la tête aux pieds et fracassa l’acier.
    Sans leur laisser le temps de réagir, elle écarta ses mains dans un geste brusque, les projetant violemment aux quatre coins de la pièce.
    — Ne m’obligez pas à vous tuer ! les menaça-t-elle en espérant que ce coup de semonce suffirait à les décourager.
    Sa lumière retomba, ne laissant plus dans la pièce que celle des falots qu’ils avaient apportés. Elle en arracha un de dessus la table, poisseux de sang, et se précipita vers le sac. D’un mouvement vif, elle défit le lien noué au-dessus d’une chevelure d’ébène. Libéra le visage de l’endormie. Blêmit. Elle s’était trompée. Ce n’était pas Mounia. Une seconde, elle perdit pied avant de remarquer d’étranges empreintes au sol.
    Bouba.
    Khalil s’était-il changé en meurtrier ?
    Non, même avec l’aide de Nycola, il aurait été incapable de faucher les janissaires avant même qu’ils se soient levés. Seule Marthe le pouvait.
    Une colère froide l’emporta. Elle fondit sur l’eunuque le plus proche. Effrayé, il recula contre le mur en rentrant les épaules.
    — La Khanoum est en danger et je suis seule à la pouvoir sauver ! Où est-elle ?
    Il tendit un doigt boudiné vers le fond de la salle.
    Sans attendre d’autre explication, elle s’y précipita, découvrit le passage et fonça à l’intérieur en courant aussi vite qu’elle le pouvait.
    Quelle avance pouvait avoir la Khanoum ? songea-t-elle. Deux minutes ? Trois ? Cinq tout au plus. Elora la supposait effrayée, assez pour détaler sur ses vieilles jambes. Les

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