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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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ajoutait :
    — … alors que la route ne leur valait rien.
    Menace distincte. Souvenir douloureux. Bertille, qu’on avait dû amputer de deux orteils après le long voyage à pied dans la neige depuis Fontaine, venait d’en blêmir. Celma, immobile, se força à sourire. Désamorcer la tension qui pesait dans la cuisine.
    — Nous vous devons beaucoup, messire, et ne l’oublions pas, dit-elle.
    Luirieux repiqua dans le plat, davantage pour marquer son territoire que par faim.
    — Beaucoup, en effet. Pour ne pas dire tout, n’est-ce pas Mathieu ?
    Ce dernier ne répondit pas. S’il n’y avait eu les enfants, il se serait jeté sur cet homme et l’aurait roué de coups. Les mâchoires crispées dans un effort surhumain, il se força à reprendre le contrôle de lui-même. Un sourire cruel émailla la face mangée de barbe du prévôt.
    — Douterais-tu de ma parole après tout cela ?
    — Nous avions un accord. Hélène de Sassenage contre mon fils. Vous l’avez. Je ne l’ai pas, grinça-t-il.
    — Ni toi ni moi ne voulons d’êtres en captivité. Lorsque Hélène se sera rendue à mes exigences, je donnerai suite aux tiennes. Ainsi sont les règles. Mes règles.
    Cette défausse ne convainquit pas Mathieu. Il n’avait d’autre choix pourtant que de se résigner.
    — Quand ? demanda-t-il encore.
    Haussant les épaules, Luirieux enjamba le banc et s’attabla. Celma se précipita pour ajouter un couvert. Avec, comme Mathieu, qui venait de se rasseoir, vaincu, l’envie d’égorger cet homme sur place.
    Il n’y fallait pas céder, pourtant. Le prévôt était chez lui dans ce fief proche de Romans offert par le grand prieur d’Auvergne.
    Depuis qu’il les y avait installés, Luirieux les tenait à sa merci, employant Briseur et La Malice dans ses rangs et Mathieu à de basses besognes pour assouvir son ambition démesurée. Fort de l’avantage de Petit Pierre qu’il affirmait détenir.
    Conscient de leur haine autant que de leur servilité, Luirieux se frotta les mains devant l’épaisse soupe que la devineresse achevait de verser dans son écuelle.
    — La bienséance m’interdit de refuser plus longtemps si plaisante chère. Mais, sitôt savourée, je gagnerai le donjon. Lors, s’il plaît à ta prisonnière comme il me plaît à moi, eh bien, ma foi, nous fixerons date pour régler nos affaires.
    *
    La chambre n’avait visiblement pas servi depuis longtemps mais le matelas de laine était bon, les couvertures étaient moelleuses et on avait pris un soin particulier à la parfumer d’une jonchée de jonquilles avant qu’Hélène n’y soit enfermée. Pour autant elle n’avait vu personne depuis son arrivée trois jours plus tôt. Personne à part Briseur, qui lui avait fait gravir l’escalier, lui portait ses repas, récupérait ses eaux sales et répondait par des grognements à ses requêtes. Elle implorait la visite de Mathieu, en vain. Il n’avait pas même assisté à son arrivée, s’étant séparé de son escorte pour une raison inconnue. C’était cela qui coûtait le plus à Hélène. Ruminer à longueur de journée tous ces mots qu’elle lui voulait dire. Car, de fait, elle ne comprenait pas. Non, elle ne comprenait pas. Certes, elle était bouclée au sommet d’une tour austère, mais elle pouvait, au travers des carreaux de couleur de la fenêtre close, apercevoir des enfants qui jouaient dans la cour intérieure du castel. La nourriture était soignée, signe d’une volonté de la garder en bonne santé, et Briseur, toujours lui, lui avait apporté ses malles. Pas un bijou ne manquait. Autant de vie et d’attentions, contraires à l’idée qu’elle se faisait d’une vengeance. Or n’était-ce pas ce que Mathieu lui avait promis lorsqu’il l’avait interceptée ?
    À présent qu’elle faisait cas de cet enfant en elle, et bien que le souvenir de Djem soit si douloureux qu’elle restait par moments prostrée, Hélène s’était réapproprié le sens des réalités. Et de son entourage. Les paroles d’Elora à Rome lui étaient revenues par bribes, réimprimant en elle un souffle perdu. Sa fille adoptive lui avait tout expliqué. L’emprisonnement d’Algonde dans les eaux souterraines du Furon, Présine transformée en louve pour nourrir Constantin, et Mathieu, redevenu brigand par désespoir d’avoir cru mortes sa femme et sa fille. Avant de quitter le Vatican avec Khalil, Elora lui avait signifié son intention de regagner le Dauphiné pour

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