Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
fils. En effet.
    — Puis-je en ce cas suggérer une prière à l’intention de dame Sidonie qui a vu disparaître ce fils pendant dix années et le découvre ce jour, bien différent de ce qu’il était ?…
    Allégé de ses craintes, l’évêque ne put qu’approuver.
    Hugues de Luirieux croisa le regard effaré d’Hélène. Elle était soumise, vaincue comme tous ceux et celles qui s’étaient dressés contre lui. Son triomphe était complet, jubila-t-il. Refoulant la douleur de sa blessure, il redressa le buste et sourit à ces notables qu’il tenait à sa botte de la même manière que le clergé.
    — … Ensuite, si vous le voulez bien, chers amis, nous finirons ce que nous avons commencé.

24
     
    Alertée par la violence de la prémonition qui lui avait coupé bras et jambes un long moment, Bertille fondit dans la cuisine où sa mère était occupée à filtrer une décoction de simples.
    — Ils arrivent, les soldats du prévôt, ils arrivent pour nous prendre, annonça-t-elle, livide et essoufflée.
    À l’autre bout de la table qui les séparait, Celma lui sourit tristement.
    — Je sais. Mais nous avons de longues minutes encore. J’ai besoin de ces médications.
    La fillette la regarda tordre le petit ballot de tissu. Un jus noir, né de la macération de racines, tomba dans le récipient de terre cuite, au-dessus de la pâte qu’il contenait déjà.
    — Aide-moi, réclama Celma.
    Enlevant une cuillère de bois d’un vieux broc qui trônait sur un billot, la fillette la plongea dans la mixture. Celma retourna au feu derrière elle, récupéra un second ballotin dans le pot suspendu dans l’âtre. Elle recommença l’opération, délayant le mélange noirâtre et nauséabond que sa fille malaxait. Pour les foulures, reconnut Bertille à l’odeur, avant de poursuivre, plus sereine cette fois.
    — Il existe un souterrain, dans la cave. C’est par là que nous pourrons nous enfuir.
    Celma hocha la tête.
    — Je l’ai vu aussi. Tranquillise-toi et occupe-toi de Jean.
    Bertille lui sourit. Même dans le confort de ce castel, sa mère n’avait rien perdu de ses dons. Toutes deux étaient plus complices que jamais.
    Elle lui tendit la cuillère, fit quelques pas, puis crut nécessaire d’ajouter :
    — Je n’ai pas tiré les runes, tu sais, c’est venu comme ça.
    Celma releva la tête de son mélange. Accrocha son regard troublé.
    — Je sais, ma fille. Ce fut pareil pour moi.
    — Ce n’est pas bon signe, n’est-ce pas ?
    Refoulant l’angoisse qui lui étreignait le cœur, Celma secoua la tête. À quoi bon mentir quand on possédait ces facultés-là ? Le sang avait brouillé sa prémonition, l’assurant d’une perte en leurs rangs. La camarde pourtant lui avait refusé son visage et c’était bien la première fois.
    — Va, maintenant, lui dit-elle, la gorge nouée, avant de reporter son attention sur sa pommade.
    Elle en avait deux autres à terminer avant de pouvoir quitter la place, abandonnant Hélène entre les mains de ce scélérat.
    Le cœur serré, Bertille traversa le corridor pour gagner la cour intérieure du castel. Jean s’y trouvait avec son chiot. Ces deux-là étaient inséparables et, pour l’heure, Noiraud tirait de toute la force de ses mâchoires sur le bout d’un bâton que Jean refusait de lâcher. L’un grognait, l’autre riait. Bertille s’immobilisa sur le seuil pour les regarder jouer, furieuse soudain contre le prévôt qui n’avait pas de parole et qui allait, de nouveau, gâcher leur tranquillité.
    Comprenant qu’il ne gagnerait pas, Noiraud lâcha le morceau de bois, s’aplatit sur les pattes avant, la queue frémissante, et se mit à aboyer. Le bâton s’envola des mains de Jean, déclenchant un démarrage sur les graviers. Noiraud sauta, récupéra le jouet avant même qu’il ne retombe à terre et s’enragea dessus en secouant la tête.
    Bertille jugea que c’était le moment.
    — Apporte, Noiraud, apporte ! exigeait le garçonnet, accroupi.
    Il se retourna en sentant la petite main s’abattre sur son épaule. Sa gaieté retomba devant l’air grave de Bertille.
    — Quoi ?
    — Faut partir.
    Il blêmit, serra les poings.
    — Maintenant, ajouta la fillette.
    Jean se redressa. Depuis l’attaque surprise dans la grotte de Choranche, il ne discutait plus les ordres de son aînée.
    — On emmène Noiraud.
    — Si tu veux.
    Jean se retourna, siffla deux coups brefs. Le chiot hésita entre le bâton

Weitere Kostenlose Bücher