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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vitupérer puis se morfondre au souvenir de sa promesse. Hélène savait qu’au final, il la tiendrait. Qu’il resterait dans l’ombre du roi pour veiller sur l’homme qu’elle continuait d’aimer dans la mort, laissant à son père le soin de battre campagne pour la sauver.
    Elle savait aussi que ces deux hommes ne seraient pas les seuls à s’inquiéter d’elle là-bas.
    La veille de son départ, Jacques de Montbel, comte d’Entremont, était venu la trouver.
    — Vous vous rongez à penser au sacrifice du prince Djem à votre égard, entachant de rancœur l’amour sans faille que vous lui portez. Je suis venu vous livrer la vérité. Ce n’est pas lui mais moi, sur sa supplique, qui vous ai administré l’antidote au poison des Borgia.
    Elle se souvenait encore de son incompréhension. Par cet aveu, le comte reconnaissait avoir trahi le roi de France, aux yeux de qui la vie de Djem était infiniment précieuse. Pour seule excuse, Jacques de Montbel avait tendu vers elle des yeux brûlants.
    — Djem l’a toujours su, dès le premier regard que je vous ai porté : je vous aime, Hélène. Qui mieux que moi pouvait comprendre ce qu’il ressentait et, par là même, devenir cette main que la faiblesse lui volait ?
    En guise de réponse, elle l’avait chassé.
    Le lendemain, il s’était annoncé de nouveau, alors qu’elle achevait de boucler ses malles. Une nuit de réflexion et de larmes avait adouci sa hargne. Elle l’avait reçu, pour le regretter sitôt qu’il était tombé à ses genoux.
    — Le nom que je porte s’est illustré de nombreuses fois par le passé, ce jourd’hui il me ferait honte si je ne vous l’offrais à vous et à l’enfant du prince. Épousez-moi, et je jure devant Dieu d’avoir pour vous les mêmes égards, patience et retenue qu’eut le sire de Grolée par le passé.
    Hélène avait refusé. Elle n’était alors que douleur et renoncement. Dans le déni total de cette vie qui s’éveillait en elle.
     
    La rappelant au présent, le prévôt lui offrait sa main pour descendre les marches sous les acclamations de gaieté des invités.
    Elle l’accepta, soumise.
    Jacques de Montbel. Enguerrand de Sassenage.
    Tous deux portaient beau et jeune.
    Tous deux la chérissaient.
    L’un comme l’autre, ce jourd’hui, elle les aurait préférés cent fois à cet être sans scrupule qui l’obligeait à remonter, sourire aux lèvres, la longue travée centrale de l’église collégiale.
    Passant le portail, Hélène s’accorda à donner le ton des festivités en saluant de la main la foule en liesse. À ses côtés, Hugues de Luirieux luttait contre la douleur de plus en plus poignante de ses blessures. Trop fier pour lâcher du terrain, il offrit son bras valide à sa femme et descendit avec elle les marches de l’église. Derrière eux, suivant le mouvement, les invités cancanaient.
    Les mariés enfilèrent l’arche de hallebardes que la garde leur avait dressée. À l’autre bout, simiesque, un bouffon les attendait, le ventre en avant et les joues volontairement gonflées. Hélène comprit qu’il la singeait, mais puisque Luirieux en riait…
    Escortés par les quolibets, ils le suivirent jusqu’à la table d’honneur dressée en plein centre, sous un dais coloré de jaune et d’orangé. D’autres nains entraînaient les invités, amplifiant le joyeux vacarme du tintement des grelots de leurs bonnets.
    Hélène prit place aux côtés de son époux puis accepta d’une fillette l’hommage d’un bouquet de roses, d’une autre un pain tressé d’où des épis, verts encore, dépassaient.
    Gage de bonheur et de félicité, songea-t-elle amèrement en englobant du regard ces gens, connus ou inconnus, qui gesticulaient, le verbe haut, la mise chatoyante, soignée ou modeste, selon qu’ils étaient petits, bourgeois ou grands seigneurs, assis sur des ballots, des bancs ou des chaises, debout aux balcons, contre les barrières, sur les marches de l’église.
    Tous, elle en était convaincue, tous l’imaginaient telle qu’elle paraissait sur les ordres du prévôt.
    Heureuse.
    Comblée.
    Grosse.
    Elle posa la main sur son ventre pour le caresser. C’était à l’enfant, à lui seul, qu’elle devait penser.
    — Vous souffrez ? lui demanda Luirieux en se penchant vers elle.
    Elle remarqua ses traits tirés, son visage creusé derrière sa jubilation. Il savourait sa victoire, plus grande encore qu’il n’en avait rêvé. Elle envisagea de le cingler,

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