Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
combat.
    Devant leur expérience, cerné à présent de toutes parts, Enguerrand comprit qu’il était perdu. Dans la nef, sa mère, affolée, cherchait parmi les invités, tordus d’angoisse, une aide qu’elle ne trouvait pas. La crainte prévalant sur le mépris, pas un n’interviendrait en sa faveur. Enguerrand avait eu tort de sous-estimer l’influence de Luirieux sur les bourgeois.
    C’est à cet instant qu’il aperçut Mathieu. Adossé à un des piliers de la travée transversale, ce dernier affichait un sourire indéchiffrable. Tout en accusant une entaille à la cuisse, Enguerrand l’interpella.
    — Hardi, compère ! sors-moi de là !
    Mathieu ne bougea pas. Enguerrand explosa.
    — Foutredieu, Mathieu ! S’il épouse Hélène, il aura tous droits sur Elora !
     
    Mathieu sursauta. Que voulait-il dire par là ? Détournés une seconde de la bataille, les regards des témoins se braquaient sur lui à présent. Lui que Luirieux avait tenu dans l’ombre.
    Il ne gagnerait rien de bon à se faire remarquer davantage.
    Abandonnant Enguerrand, il se défaussa derrière un saint Antoine de marbre. Pour aussitôt être alerté par Briseur à ses côtés. L’œil dans leur direction, Luirieux venait de glisser quelques mots à l’oreille de Torval. Le cœur de Mathieu se pinça dans sa poitrine. Il connaissait bien assez les manières du prévôt pour l’imaginer tirer parti de la situation et se débarrasser d’eux.
    — Sortons de là, glissa-t-il à ses compagnons, pris des mêmes craintes.
    Sans plus attendre, il se fraya un passage parmi ceux des invités qui s’étaient retranchés sous le triforium.
    Acculé au pied de la croix, blessé en plusieurs endroits, rendu à l’évidence qu’il resterait seul dans sa tourmente, Enguerrand luttait encore, mais de moins en moins vivement. Bousculant ses pairs et ne comptant plus que sur elle-même, Sidonie s’était élancée vers lui en réclamant pitié.
    Le temps qu’elle soit entendue, Enguerrand aurait rendu l’âme, comprit Hélène, épouvantée.
    Elle était la plus à même d’intervenir. De faire cesser la curée.
    Elle profita d’une seconde d’inattention de Luirieux pour lui fausser compagnie. Avant qu’il ait pu réagir, elle se jeta dans le rempart humain, jouant des coudes et du ventre dans le dos de ses hommes pour les forcer à s’écarter.
    — Assez ! Assez de sang pour aujourd’hui ! gueula-t-elle en écho à Sidonie.
    Les soldats hésitèrent, cherchèrent l’approbation du prévôt.
    S’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait laissé faire. Mais achever le chevalier de cette manière n’aurait pas servi son image.
    Pris d’une bien meilleure idée, il ordonna la tombée des armes.
    Libéré de ses chiens, Enguerrand abdiqua. Épuisé par ses multiples plaies, il se laissa glisser contre le bois de la croix pour accueillir sa mère, en larmes. Tandis qu’il tentait de la rassurer, l’épée qu’il abandonna tinta cruellement sur le marbre rougi, ramenant en lui le souvenir d’une autre bataille.
    Un argument de plus à sa vengeance, songea-t-il, aux portes de l’inconscience, en cherchant Hélène des yeux. Des soldats la lui masquèrent. Demain , se promit-il. Il la délivrerait demain.
    Le premier réflexe d’Hélène avait été de se précipiter au chevet du chevalier. Elle se contint, en voyant Sidonie se pencher sur lui et les hommes de Luirieux s’intercaler. Elle n’insista pas.
    En haut des marches, les bras ballants, elle laissa un œil amer et désemparé courir sur l’assistance qui, comme une houle apaisée, revenait vers la croisée du transept dans un silence coupable. Son regard tomba sur Mathieu, Briseur et La Malice, qui jouaient des coudes vers la sortie, Torval et Ronan de Balastre visiblement dans leur sillage.
    Elle comprit aussitôt les intentions de Luirieux. En avait-il jamais eu d’autres ? Sitôt passée la porte, Mathieu et les siens seraient pris. Il fallait les avertir. Mais comment sans se mettre, elle, en danger ? Elle tourna la tête. Luirieux revenait vers elle, un sourire de satisfaction aux lèvres malgré sa figure blême et son pourpoint ensanglanté. Le fourbe, il jubilait.
    Reprise de fébrilité, elle se souvint des paroles d’Enguerrand à propos d’Elora. Mathieu les avait-il entendues ? Elle devait le forcer à se retourner. À découvrir de lui-même l’escorte qu’on lui offrait.
    Couvrant les murmures qui progressivement renaissaient, elle

Weitere Kostenlose Bücher