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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vengeance. Pas plus qu’Enguerrand, Jacques de Sassenage ne laisserait Hélène s’user dans sa prison, songea-t-elle en fourbissant déjà ses propres armes. Lors, foi de Sidonie de La Tour-Sassenage, Luirieux paierait.
    Elle n’avait, pourtant, d’autre choix que d’abdiquer.
    — Prends soin de toi, ma fille. Ton père sera de retour bientôt. Nous viendrons te visiter, promit-elle en la serrant dans ses bras.
    Puis, voyant qu’on emportait son fils inconscient dans la chapelle adjacente, elle se détourna d’eux pour emboîter le pas aux soldats.
    Luirieux attendit qu’elle disparaisse avant de toiser Hélène, livide.
    — Préparez-vous, ma mie. Et faites bonne figure. J’ai prévu de vous épouser, et, comme vous l’avez pu voir, rien ni personne ne pourra m’en détourner.
    Elle baissa la tête, consciente que, depuis la nef, si on ne pouvait entendre leurs propos, on les regardait.
    — Je ne suis pas responsable de ce qui vient de se passer.
    — En ce cas, ne me donnez pas d’autres raisons d’en douter, ajouta-t-il avant, d’un doigt léger, de lui frôler la joue.
    Hélène prit cette caresse pour ce qu’elle était en réalité. Une gifle refoulée.
    Encadré par deux soldats, l’évêque revenait, la mine renfrognée.
    — De mémoire je n’ai assisté à semblable hyménée et crains pour vous, mon fils, son augure sanglant. Ne vaudrait-il pas mieux renoncer ? l’attaqua le saint homme, ainsi que Luirieux s’en doutait.
    — Mêlez-vous de vos affaires, monseigneur, et n’oubliez pas qu’elles intéresseraient grand-monde en cette assemblée s’il me prenait l’envie de les divulguer, lui rétorqua-t-il d’un ton cassant.
    L’évêque dégoulina sous son habit. Il écarta son col, soudain trop serré, et accrocha un sourire au milieu de la sueur qui lui baignait le visage.
    — Certes, certes. Ce n’était qu’un conseil, rien de plus, et j’officierai puisque telle est votre volonté.
    — En ce cas, pendant que vous me ramènerez ma promise, j’éclaircirai le fond de cette affaire auprès de mes invités, lui concéda Luirieux avant de lui tourner le dos.
    Il était temps pour lui de conclure cet épisode désagréable de la journée et d’entériner définitivement la situation à son avantage.
     
    Dans la nef, tout danger ayant été écarté, chacun avait regagné sa place, et les conversations allaient à présent de commentaires en consternation, de questions en dissensions.
    Drapé dans une dignité d’autant plus imposante que grave, Luirieux leur fit face depuis la deuxième des marches qui rehaussaient le chœur.
    Tous les regards convergèrent aussitôt vers lui, empesés d’un brutal silence.
    Il releva fièrement le menton.
    — Je regrette que vous ayez été les témoins d’un si fâcheux complot. Il y a quelques mois, vous vous en souvenez tous, cette même place a vu pendre les dangereux brigands qui écumaient la contrée.
    La houle des approbations gagna l’autel. Luirieux la laissa s’atténuer avant de poursuivre.
    — Enguerrand de Sassenage, alors revenu du Nouveau Monde, s’était porté volontaire pour m’aider à leur capture. Ce fut le cas, à l’exception d’un des meneurs qui, selon les dires du chevalier, avait péri. Je n’avais alors aucune raison d’en douter. Mais la fin de l’hiver a vu de nouveau les rapines et les assassinats se multiplier. Une autre bande, ai-je tout d’abord pensé, avant de m’apercevoir que celle-ci usait des mêmes procédés. Mathieu, leur meneur prétendument occis par Enguerrand de Sassenage, était toujours aussi frais. Pourquoi ce mensonge ? me suis-je demandé. J’avais convoqué le sire de Sassenage pour qu’il m’éclaire. Vous avez pu juger de sa réponse !
    On s’indignait à présent ouvertement dans l’assistance. Revenue aux côtés du prévôt, Hélène se sentit exsangue. Avant longtemps, elle n’en pouvait douter, par crainte de voir le déshonneur des Sassenage les atteindre comme une vilaine maladie, ceux qui s’étaient rengorgés de leur amitié leur tourneraient le dos. Mieux, on louerait la générosité du prévôt qui, malgré cette boue, avait accepté de l’épouser.
    Luirieux tempéra la foule en levant ses paumes.
    — Nul n’est à l’abri d’une brebis galeuse… N’est-il pas, monseigneur ? ajouta-t-il en pivotant de quart vers l’évêque, revenu devant l’autel.
    Ce dernier entendit la menace.
    Il hocha la tête.
    — En effet, mon

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