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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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déception d’avoir été refoulée à seulement une centaine de toises du départ, elle se mit à examiner les reliefs. Nycola reprit sa garde, en face de la porte, son arc et son carquois à portée, caressant le poil de Bouba d’une main calme, bien loin de l’agitation qui emportait l’Égyptienne.
    — Mon père a passé des heures dans cette pièce, à tenter d’arracher aux glyphes un sens qu’il pressentait caché. À la lueur des révélations d’Elora, je les comprends mieux. Vois par toi-même…, le prit-elle à témoin.
    — … Depuis son trône, Osiris attend qu’un cœur pur vienne vers lui. Et, par symbolique, vers le benben. Je crois que l’objet a été enfermé dans l’arche. Bien sûr il n’est pas représenté, mais, à bien y regarder, elle semble rayonner de lumière et les ankhs placés tout autour y sont reliés par des fils, comme s’ils voulaient lui communiquer la vie éternelle qu’ils symbolisent.
    Mounia passa d’un mur à l’autre, avant de se planter entre les deux, les mains sur les hanches, la tête de côté.
    — Seule l’attitude d’Anubis m’étonne. Je comprends que Seth ait voulu protéger le secret de ce temple mais c’était là le rôle des gardiens, justement. Pourquoi les tuer ? Pourquoi te tuer ? Parce qu’il ne peut y avoir qu’un seul gardien à la fois et qu’Elora te devait remplacer ? C’est une hypothèse, bien sûr, mais elle ne me satisfait pas, soupira-t-elle.
    — Je n’en ai pas d’autre à te proposer, mais je suis convaincu que les enfants rapporteront toutes les réponses.
    Mounia pivota.
    — Les enfants, les enfants… Ils sont aussi grands que nous par la taille. Quant à leur esprit, il voisine celui des dieux de ces reliefs. J’en viens à me dire qu’ils seront dans quelques années à leur image. Des géants…
    Nycola se mit à rire.
    — Je ne l’exclus pas. Elora prétend que Constantin est lui aussi de leur stature. Un beau trio, en vérité, qui mérite vraiment notre confiance. Crois-moi, tu devrais cesser de t’agiter.
    Mounia l’entendit à peine. Le front plissé sous une réflexion stérile, et les mains croisées au dos, elle se mit à arpenter la pièce de long en large.
    Pour s’immobiliser, rattrapée par un souvenir.
    — J’ai l’impression soudain d’être devenue mon père !
    Cette réflexion lui arracha un éclat de rire. Elle s’étira, enfin apaisée.
    — Tu as raison, Nycola, je ferais mieux de me coucher. C’est ce qu’il disait. Dormir quand l’esprit ne veut plus travailler.
    — Un homme sage, à n’en pas douter, acquiesça Nycola.
    Elle récupéra une autre couverture au flanc d’un des dromadaires qui la fixait d’un œil vide, puis s’étendit à proximité pour profiter de la chaleur que les bêtes dégageaient.
    — Tu ne crains pas qu’ils ne t’écrasent en bougeant ? s’inquiéta-t-il.
    Elle noua ses mains sous sa nuque.
    — Question d’habitude. Mon père m’a entraînée dans toutes sortes d’expéditions dès ma plus tendre enfance. Je me souviens même d’une fois où nous nous sommes égarés dans le désert. La nuit est tombée et avec elle la température. Il a sorti son poignard, m’a demandé de tourner la tête.
    Elle s’esclaffa.
    — Bien sûr, je ne l’ai pas fait. J’ai juste mis mes mains sur mon visage en écartant les doigts. Le sang a giclé au cou du dromadaire qui s’était mis à blatérer dans un gargouillis ignoble. J’ai hurlé, je crois.
    — Pourquoi l’a-t-il tué ?
    Mounia tourna la tête vers Nycola.
    — Pour me sauver. Indifférent à mes cris, papa l’a éventré puis vidé de sa tripaille. Lorsqu’il m’a prise sous son bras, je me suis débattue tant il puait. Il m’a poussée à l’intérieur de la chair tiède.
    Nycola frissonna.
    — Effroyable souvenir…
    Mounia se le réappropria dans la pénombre que trouait à peine la bougie dans son falot.
    — En fait, j’avais si froid que j’ai cessé de gigoter et de pleurer quand j’ai senti cette chaleur qui rayonnait autour de moi. Du coup, je n’ai plus rien dit quand il a rassemblé les boyaux pour m’en couvrir. J’ai même ri en le voyant uriner tout autour de l’animal. J’ai appris plus tard que c’était pour marquer son territoire. Je ne sais pas si cela contribua à notre survie, quoi qu’il en soit, aucun félin ne nous attaqua. Au matin, des Bédouins sont apparus de nulle part et nous ont ramenés à l’oasis la plus proche.

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