Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
Vom Netzwerk:
sais
son titre exact.
    —  Unsar modar. Notre mère.
    Elle prit à nouveau le temps de la réflexion, qui me sembla
très long.
    — Très bien. Suis-moi.
    Transportant toujours mes armes et son sliuthr enroulé,
elle attrapa Velox par les rênes, et avança de sa lourde démarche en suivant la
berge vers l’aval. Je cheminai à son côté, fort heureuse de constater que
j’avais réussi à arriver ici avant Geneviève.
    Je m’enquis soudain :
    — Dites-moi, votre dirigeante ne peut être la mère
véritable de toutes les Walis-karja. Elle est devenue votre chef par
succession ? Vous l’avez élue par acclamation ? par vote ? Et
quel titre dois-je lui donner ?
    Ma ravisseuse prit encore le temps de réfléchir. Elle
répondit alors :
    — Elle est à notre tête car c’est la plus âgée, celle
qui a survécu le plus longtemps. Parce qu’elle est la plus farouche, la plus
sanguinaire, la plus impitoyable d’entre nous, capable de nous tuer toutes
l’une après l’autre si l’envie lui en prend. Tu t’adresseras à elle comme nous
le faisons, avec révérence et adoration, et par le nom que nous lui donnons. Modar
Lubo, Mère Amour.
    Je faillis éclater de rire, tant ce nom cadrait mal avec la
description qu’elle venait de tracer, mais je me retins, lui demandant
simplement :
    — Et toi svistar, quel est ton nom ?
    Il fallut encore le temps de la réflexion, mais elle me
répondit au bout d’un moment qu’elle s’appelait Ghashang. Comme je lui
expliquais que je ne connaissais pas ce prénom, elle ajouta qu’il signifiait
« Jolie » . Et là encore, je tâchai de ne pas rire.
    Nous commençâmes peu à peu à cheminer entourées d’autres
femmes, surgies une à une de derrière les arbres, parfois en descendant, ou
sorties des profondeurs de la forêt, juchées à cru sur de petits chevaux
hirsutes, à l’air abattu. Elles hurlaient d’une voix rauque à notre rencontre,
adressant à Ghashang de farouches questions. Mais celle-ci, fière de ses deux
captures, refusait de répondre, se contentant de les inviter du geste à libérer
le chemin. Chacune de ces femmes ressemblait assez à « Jolie »,
entendez par là que toutes rappelaient la grosse vache sauvage que l’on appelle
aurochs.
    Quand nous parvînmes à leur lieu d’habitation, nous étions à
la tête d’une colonne de huit à dix femmes. Je n’appellerai pas cela un village
ni même un campement, car nous étions juste dans une clairière en pleine forêt,
parsemée de cercles de pierres noircies autour de feux de camp disposés à la
diable, et de fourrures de nuit étalées sur des paillasses d’aiguilles de pin.
Des ustensiles de cuisine éparpillés traînaient çà et là au milieu de peaux
tendues sur des cerceaux de séchage, de bouts de harnais et de couteaux plus ou
moins rudimentaires, abandonnés parmi de vagues restes de repas et d’os à demi
rongés. Des carcasses rouge bleuté, probablement destinées à de futures agapes,
étaient pendues aux branches basses de deux ou trois arbres proches,
bourdonnantes de mouches. Ces femmes n’avaient apparemment nul besoin d’un
abri, car je ne repérai alentour aucune tente, pas même une petite hutte.
Jamais je n’avais vu pareille bande de souillons. En comparaison, les Huns
auraient pu passer pour des gens extrêmement raffinés.
    Il y avait là entre dix et douze autres femmes, plusieurs
jeunes filles pas encore formées, et une demi-douzaine de nourrissons divaguant
sur leurs petites jambes ou rampant à même le sol. Ces bébés étaient tous nus
comme des vers, à l’exception de la couche de terre qui les recouvrait, aussi
me fut-il facile de constater qu’il ne s’agissait que de filles. Les bébés et
les jeunes filles n’avaient pas encore la peau tannée et les muscles
proéminents, mais leur embonpoint était déjà impressionnant. Vái, me
dis-je, les femmes des Huns auraient été jolies, à côté d’elles. Sous mon
apparence de Veleda, je devais briller telle une pièce d’or lancée dans une
sordide basse-cour.
    J’aurais pu imaginer qu’un tel troupeau de Gorgones
resterait interdit, la langue pendante et bavant d’envie, au spectacle
impromptu de mon visage et de ma silhouette. Mais si j’avais été quelque peu
imbue de ma personne, la réception des Walis-karja m’aurait bien vite
ramenée à la réalité. Elles tombèrent certes en admiration… mais uniquement
devant ma monture Kehailan. Quant à moi, elles ne me

Weitere Kostenlose Bücher