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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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mousse et de gazon ras bordait la berge, et Velox pouvait ainsi
avancer à pas feutrés tel un loup. Comme nous progressions sous les frondaisons
de pins penchées sur la rive, je scrutais les environs avec la plus grande
attention. Mais toutes mes précautions s’avérèrent pourtant insuffisantes.
    Quelque chose frôla silencieusement mon visage et mon front,
puis se resserra douloureusement autour de moi, juste en dessous de la
poitrine, me plaquant les bras le long du corps. Avant que je n’aie eu le temps
de me rendre compte de ce qui m’arrivait, je fus brutalement arrachée de ma
selle. Je ne tombai pas au sol, mais me trouvai suspendue dans les airs, tandis
que Velox me glissait entre les jambes, s’éloignant d’un pas paisible. Dès
qu’il se sentit libéré de mon poids, il s’arrêta et regarda d’un air de
surprise assez comique son maître en train de tourbillonner au bout d’une
corde, largement au-dessus de lui. Ce n’est qu’à cet instant que je me
remémorai ce qu’on m’avait dit du sliuthr, l’arme silencieuse des
anciens Goths.
    Mes bras étroitement liés étant incapables de sortir une
lame, je ne pus que rester pendue sur place, impuissante. J’entendis un bruit
de feuilles froissées tandis qu’une silhouette descendait de l’arbre, ayant à
l’évidence pris soin d’accrocher à une branche l’extrémité de la corde dès
qu’elle avait soulevé mon poids. Je fus à peine surprise de voir une femme
atteindre le sol et demeurer un instant à me scruter d’un air mauvais.
    Bon, je sais que d’Homère à Hérodote, et jusqu’à une époque
récente, toutes les légendes colportées sur les Amazones les décrivent comme
belles. Moi-même, j’avais été follement curieuse de le vérifier. Eh bien je
suis navrée de décevoir ceux qui fantasment à cette idée, mais je peux vous
assurer qu’elles n’ont vraiment rien de la grâce qu’on leur prête. Homère
lui-même aurait pu s’en douter, s’il avait pris le temps d’y réfléchir un tant
soit peu. Il est en effet évident que des femmes habituées à vivre
perpétuellement dans la nature, l’été comme l’hiver, à ne survivre que par
leurs propres moyens, sans l’aide d’hommes pour subvenir aux tâches les plus
rudes, ont davantage de chances d’être d’épaisses bêtes sauvages que de souples
et gracieuses Diane chasseresses. La première que je venais donc de rencontrer
était en tout cas bestiale à souhait, et toutes celles que j’allais découvrir
par la suite n’avaient rien à lui envier.
    Elle n’avait pas glissé à bas de son arbre avec l’aérienne
légèreté d’une nymphe ; au contraire, elle était tombée lourdement, ramassée
au sol tel un crapaud qu’on y aurait jeté. Rien d’étonnant que celui ou celle
qui endure toute l’année les rigueurs du climat soit enveloppé d’une épaisse
couche de graisse lui servant d’isolant. Mais même sa musculature était
excessive : elle avait les bras musculeux d’un bûcheron, les jambes en
tronc d’arbre d’un conducteur de chariot, un torse puissant ; ses hanches
et ses fesses, exagérément proéminents, paraissaient de véritables
boursouflures. Sa jupe, son unique vêtement, ressemblait à une peau tannée, à
peine différente de sa propre peau, rude, granuleuse et brunie par les
éléments, comme celle d’un aurochs. Sa poitrine était nue comme la mienne, et
contrairement à ce que montrent les images et autres statues d’Amazones, elle
n’avait pas le sein coupé pour faciliter le tir à l’arc. Les siens étaient bien
présents tous les deux : avec leurs aréoles et leur tétons rudes telle de
l’écorce, ces mamelles semblables à des outres de cuir épais auraient eu bien
du mal à inspirer le ciseau d’un sculpteur. Ce que les Amazones taillent, en
revanche, ce sont leurs cheveux, et c’est bien tout ce qu’elles leur font, ne
prenant même pas la peine de les peigner. Celle-ci portait sur la tête une
sorte de casque de cheveux noirs semblable à un épais tapis de feutre, ainsi
que deux carpettes similaires sous les bras. Ses yeux, ayant passé toute une
vie à se plisser au soleil ou au vent et à regarder de loin, étaient rouges,
affligés d’un strabisme. Ses pieds aux orteils démesurés, tournés vers
l’extérieur, avaient une forme préhensile lui permettant de grimper aux arbres.
Ses larges mains calleuses rappelaient celles d’un forgeron, et elle éleva un
de ces battoirs pour détacher la

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