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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ceinture qui maintenait mon poignard et le
fourreau de mon épée.
    Elle se mit à parler et ouvrit alors des mâchoires
puissantes à broyer des os, révélant une bouche meublée de dents jaunes,
brisées et mal alignées. Je compris qu’elle posait une question, moitié dans la
Vieille Langue, moitié dans un dialecte qui m’était inconnu. J’étais incapable
ne serait-ce que de hausser les épaules. Elle lut de la perplexité sur mon
visage et répéta sa requête, choisissant soigneusement ses mots dans la langue
gotique, qu’elle articulait de la façon la plus barbare que j’eusse jamais
entendue. Cette fois, je parvins à comprendre qu’elle me demandait, et plutôt
rudement, qui j’étais et ce que je faisais ici. Je fis de mon mieux pour
indiquer, à force de grimaces et de gestes des mains, que la corde m’avait
coupé la respiration au point de ne pouvoir lui répondre. En plus de mes armes
qu’elle avait récupérées, elle était équipée d’un poignard et d’un arc assorti
de son carquois, attaché sur son dos. Mais elle prit d’abord le temps de la
réflexion et dût parvenir à la conclusion que de toute évidence elle était d’une
force supérieure à la mienne. Elle le prouva sans difficulté en s’approchant de
moi et en me soulevant dans ses bras, me permettant ainsi d’ôter la boucle qui
m’enserrait et de la glisser au-dessus de ma tête, puis elle me lâcha. Elle
tira d’un coup sec la corde pendante de façon à en libérer l’accrochage, et la
laissa choir. Puis elle l’enroula sans la regarder, dardant sur moi ses petits
yeux rouges tandis que je lui débitais l’histoire que je venais d’inventer de
toutes pièces.
    J’expliquai avec la plus grande animation que j’avais le
malheur d’être l’épouse d’un mari méchant et violent, et qu’au terme d’années
d’insultes et d’abus divers – j’insistai bien sur son vice lubrique –
j’avais décidé de ne plus supporter la situation. Je m’étais donc arrachée à
cet esclavage pour fuir ici, dans l’espoir d’y trouver du secours et la
protection de mes sœurs de la forêt.
    Puis je me tus et attendis. J’appréhendai d’entendre que
j’étais déjà la seconde fugitive à arriver ici en quelques jours. Mais elle se
contenta de jeter un bref coup d’œil soupçonneux à Velox et de me dire :
    — Ton cruel mari, svistar [44] , t’a
laissé un bien beau cheval.
    —  Akh, ne ! Lui ? Ni allis. Je
l’ai volé. Mon mari n’est pas un pauvre paysan, mais un marchand de Lviv
propriétaire d’une écurie de coursiers, et j’ai pris pour moi son meilleur
Kehailan.
    — Pas pour toi, grogna-t-elle. Il est à nous,
maintenant.
    — Vous pourrez en ce cas en récupérer un deuxième,
fis-je en montrant la corde avec un sourire malfaisant, s’il lui prenait l’idée
de me suivre.
    Elle réfléchit à cette éventualité, et en conclut
sobrement : Ja. Son visage s’éclaira même un instant lorsqu’elle
ajouta cette remarque :
    — On pourrait même s’amuser un peu avec lui, en plus.
    Ayant une idée assez nette de ce qu’elle voulait dire, je
souris de façon plus cruelle encore.
    — J’aimerais bien voir cela. Et y participer.
    Elle semblait avoir plutôt bien accepté le dégoût du vice
que j’avais manifesté et mon envie de partager leurs divertissements, mais elle
se mit à me toiser de haut en bas d’un air critique et fit avec dédain :
    — Tu n’es pas assez robuste pour faire une bonne Walis-kari.
    C’était donc ainsi qu’elles se désignaient : les Walis-karja, fameux anges païens du champ de bataille qui menaient au ciel les braves
morts au combat. Se pouvait-il qu’elles en fussent les véritables
descendantes ? Dans ce cas, c’eût été une nouvelle désillusion, car leur
beauté était, elle aussi, légendaire.
    J’ajoutai un nouveau mensonge à ma collection.
    —  Vái, svistar, j’étais aussi joliment bien
bâtie que toi, avant. Mais cet époux sans pitié m’a laissée dépérir. Cela dit,
je suis plus forte qu’il y paraît, et sais chasser, ainsi que poser des pièges
et pêcher. Laissez-moi assurer ma propre subsistance, et je mangerai bientôt
comme une truie. Je ne tarderai pas à devenir grosse, énorme, voire obèse. Je
le jure ! Mettez-moi à l’épreuve.
    — Ce n’est pas à moi d’en décider.
    — Laissez-moi dans ce cas en appeler à votre reine.
Enfin… votre dirigeante, celle qui gouverne les Walis-karja. Je ne

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