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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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jetèrent au contraire que
de furtifs regards désapprobateurs, comme si j’avais été si odieuse et
contrefaite que toute personne normalement constituée dût en avoir la nausée.
Selon leurs canons de beauté, sans nul doute je l’étais. Ce n’était pas par
plaisanterie que l’une d’elles avait été nommée « Jolie ».
    N’importe qui, apprenant à quel point les Amazones
haïssaient la gent masculine, aurait pensé qu’elles devaient former une
communauté de sorores stuprae, prenant leur plaisir les unes avec les
autres. J’appris bien vite qu’il n’en était rien. Bien qu’équipées de tous les
organes féminins, l’idée même d’une quelconque pratique sexuelle leur inspirait
une réelle répulsion. Rien d’étonnant à ce que la femme idéale à leurs yeux fut
si disgracieuse, au point de n’être acceptable que pour leurs seules semblables.
Si j’eus du mal à comprendre tout cela dès mon arrivée, je perçus vite que la
seule incongruité dans ce groupe, c’était incontestablement moi, Veleda. Et
encore, je préférai ne pas imaginer ce qu’elles auraient pensé en découvrant
qui j’étais vraiment.
    Ghashang attacha mon cheval et m’escorta, suivie d’une
cohorte de ses sœurs, au-delà d’un rideau d’arbres donnant accès à une seconde
clairière. Nous pénétrâmes alors dans le « palais » à ciel ouvert de
Mère Amour ; bien que jonché lui aussi de déchets alimentaires et
d’ordures, il pouvait à bon droit s’enorgueillir de deux objets méritant
l’appellation de « meubles ». Au-dessus d’une rudimentaire paillasse
était tendue sur deux branches une peau de daim délabrée faisant office de
toit, et au centre de la clairière s’élevait un « trône » assez
grossier, taillé à la hache dans une énorme souche d’arbre déjà bien entamée
par le pourrissement et les outrages du temps. L’imposante Mère Amour y gisait,
affalée. Pour être précis, elle en débordait même de tous côtés. Au premier
coup d’œil, je compris que la plus âgée des Walis-karja était à n’en pas
douter la plus redoutable d’entre elles.
    Si ses sœurs avaient à peu près la laideur hommasse de
l’aurochs, elle se rapprochait pour sa part de l’image du dragon fabuleux des
superstitions païennes. La peau de Mère Amour aurait pu n’être que ridée et
marbrée par l’âge, comme celle de toute vieille femme. Mais la sienne s’était
craquelée en écailles de saurien, couverte de verrues et de kystes, et ses
vieux seins tout raplatis semblaient aussi durs que des plaques d’armure. Ses
ongles de mains et d’orteils faisaient penser à de véritables serres, et ses
rares dents encore en place à des défenses. Infiniment plus adipeuse que toutes
ses compagnes, elle était aussi bien plus velue ; outre la toque de poils
gris qui lui couvrait le crâne, deux véritables barbillons de moustache
jaillissaient de part et d’autre de sa bouche. Et si son haleine était moins
visible que la flamme du dragon, elle avait tout de même de quoi foudroyer un
adversaire à huit pas.
    Les autres m’avaient regardée avec répugnance ; Mère
Amour me toisa d’un œil torve, tandis que je lui donnais mon nom, et entamais à
nouveau l’histoire de mon invention déjà racontée à Ghashang. Mais après
quelques mots seulement, elle grogna ce qui avait tout l’air d’une
question :
    —  Zaban ghadim, balad-id ?
    Comme je la contemplais d’un air hébété, elle dit en
gotique :
    — Tu ne parles donc pas la Vieille Langue ?
    Encore plus interloquée, je ne trouvai qu’à répondre :
    — Mais… bien sûr que je parle la Vieille Langue, Mère
Amour. Comme vous venez de le faire à l’instant.
    Elle retroussa avec mépris ses babines sur ses défenses, et
ricana d’un air sarcastique :
    — Une citadine !
    Puis elle m’enjoignit d’un geste sec de continuer mon
histoire, et je m’exécutai ; je l’enjolivai de force détails que je
n’avais pas donnés à « Jolie », décrivant par le menu toutes les
vilenies de mon mari imaginaire. Je ne manquai pas d’insister sur le fait qu’il
m’avait non seulement violée la première fois qu’il m’avait prise, mais ensuite
chaque fois qu’il exerçait son privilège conjugal. Tout en feignant de partager
l’aversion des Amazones pour la copulation, je pris soin de pencher la tête et
de dissimuler ainsi aux yeux de Mère Amour mon collier de Vénus, au cas où elle
eût connaissance

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