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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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jaunâtre
de Koutrigours, aussi répugnants que les Huns. Toutefois, me gardant de la
moindre objection, j’acquiesçai docilement d’un signe de tête.
    — Très bien. Tu peux disposer. Laissez-moi aussi, vous
autres. Votre mère a besoin de prendre du repos.
    D’un effort surhumain, elle se souleva de son trône et
clopin-clopant, s’avança à pas lourds vers sa couche. Maintenant qu’elle avait
quitté le vaste siège, je vis qu’il était recouvert d’une peau barbouillée de
couleurs, à l’évidence en guise d’ornementation. Chiffonnée, froissée de toutes
parts et amincie par le frottement, cette dépouille, compte tenu de sa délicate
souplesse, n’avait visiblement rien d’animal : il s’agissait assurément
d’une peau humaine.
     
    *
     
    Ghashang me rendit ma ceinture, mon poignard et mon épée, et
me montra dans la clairière une place inoccupée où étendre ma fourrure de nuit
et poser mon bagage. Je passai le reste de la journée à faire des nœuds.
    Mes nouvelles sœurs continuaient à avoir du mal à me
regarder en face, et toutes ne maîtrisaient pas suffisamment la Vieille Langue
pour communiquer avec moi. Mais cette épaisse corde enserrant le poitrail de
Velox excita au plus haut point leur curiosité. Je grimpai donc sur son dos
pour leur faire une démonstration. Ensuite, elles voulurent essayer l’une après
l’autre ; mais il va de soi que leur embonpoint ne leur permettait pas de
sauter en selle avec une grande agilité ; elles escaladaient Velox comme
s’il s’agissait d’un arbre. Une fois en selle, en revanche, se servant de leurs
orteils préhensiles, les Walis-karja parvenaient à s’agripper au cheval
presque mieux que moi. Les femmes furent à la fois surprises et ravies de
constater l’ingéniosité du système, et plusieurs l’adaptèrent à leurs propres
montures. Comme aucune ne savait épisser une corde, je me proposai donc de leur
enseigner également cette technique.
    Pour ma part, j’étais fort intéressée par leur arme
silencieuse, le sliuthr. Sa fabrication était aisée, et les femmes se
firent un plaisir de m’initier au tournoiement, puis au lancer de la boucle.
Elles savaient viser et enserrer une souche d’arbre ou un bébé en train de
ramper sans jamais manquer leur cible. Ma maladresse à les imiter les fit
hurler de rire. Plus que vexant, ce fut même carrément douloureux, leur
hilarité se traduisant par des cris aigus à vous percer les tympans. Je parvins
cependant à perfectionner le sliuthr, en adaptant à l’extrémité de la
corde une épissure en œil permettant d’ajuster la taille de la boucle, bien
mieux que le nœud fixe et malcommode qu’elles confectionnaient jusque-là.
Lorsque j’en eus fabriqué un, je leur proposai de l’essayer. Constatant que la
corde glissait plus facilement et permettait du même coup un lancer plus
précis, elles cessèrent de rire. Elles me prêtèrent un sliuthr pour
m’entraîner, et aucune d’entre elles ne songea plus à se payer ma tête.
    Mes progrès à son maniement furent très lents. J’eus donc
l’occasion, tout en m’exerçant, de réfléchir à deux choses que j’avais apprises
récemment des Walis-karja. Elles utilisaient le sliuthr comme
arme de jet, et leur Mère Amour avait drapé son « trône de justice »
d’une peau humaine : je reconnaissais là deux usages des anciens Goths.
Cela donnait crédit à cette croyance que durant leur migration, les Goths,
peut-être parce qu’ils ne supportaient plus la compagnie de certaines de leurs
femmes, avaient pu les expulser de leur groupe. On pouvait penser qu’elles
s’étaient alors débrouillées pour survivre sur place, sans acquérir les
techniques et raffinements que maîtriseraient plus tard leurs anciens
compagnons, mais gardant malgré tout plusieurs de leurs coutumes. Si
l’hypothèse était vraie, les Walis-karja étaient des descendantes
directes des Goths. Pour les avoir moi-même côtoyées, je comprenais fort bien
que les anciens aient cherché à s’en séparer. On racontait bien qu’elles
avaient été d’infâmes sorcières haliuruns, mais l’aspect physique de
leur progéniture, répugnant au possible, pouvait expliquer leur mise à l’écart.
    Ma théorie aurait donc pu valider les vieux chants de la
légende, mais néanmoins, restait une question cruciale. Comment pouvait se
justifier le rejet total du sexe par ces femmes ? Les proscrites avaient
pu, eu égard à la tradition, garder

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