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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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fille. Car en dehors de ses accès de furie,
son second plaisir est de déflorer les vierges et de déshonorer les mères de
famille.
    Montrant de nouveau le champ, je m’enquis :
    — Quel genre de plaisir a-t-il pu trouver à cette
furie-là ?
    Le vieil homme haussa les épaules et répéta :
    — C’est un barbare…
    Puis, pour s’expliquer, il commença à indiquer différentes
directions.
    — Odoacre et Tufa sont apparus sur cette route, menant
au trot leurs colonnes. Alors vois-tu, nous autres paysans du coin nous nous
sommes approchés pour les acclamer, comme nous sommes censés le faire en pareil
cas. Odoacre semblait avoir remporté une sacrée victoire, à en juger par le
nombre de prisonniers qu’il traînait attachés à ses chevaux. Soudain, d’autres
cavaliers ont surgi de l’arrière, chargeant en hurlant je ne sais quels cris
barbares, et il y a eu une brève échauffourée. Mais les assaillants, trop peu
nombreux, ont vite été massacrés. Tiens, celui-là en faisait partie.
    Il pointa du doigt le corps du centurion Bruno.
    — Dès que l’agitation s’est calmée, ce petit groupe
étant liquidé, Tufa a donné des ordres à ses hommes, et tous les autres captifs
ont été exécutés. Puis il nous a jetés comme ça, à nous autres :
« Occupez-vous de ce tas avant qu’ils ne se mettent à
empester ! » et lui et son armée ont décampé. Cela va faire trois
jours que nous peinons à la tâche, et crois-moi, nous sommes fourbus. Heureusement
que le temps est resté frais et sec.
    Le vieil homme attendait de ma part quelque commentaire,
mais j’étais absorbé dans mes réflexions. La courageuse attaque de Bruno avait
été un sacrifice inutile, mais elle avait surtout renseigné Tufa : il
savait qu’il n’aurait plus d’autre grosse attaque à craindre avant de rallier
son refuge de Ravenne. Donc, plus besoin d’otages pour se protéger. Un soupir
accablé m’échappa. Sans la folle imprudence de Bruno, Freidereikhs et ses Ruges
auraient très probablement été emmenés jusqu’à Ravenne. On les aurait
emprisonnés, sans doute humiliés et maltraités, mais ils auraient survécu. Akh, peut-être pas, après tout. Tufa aurait pu les faire tuer aux portes de la
ville. Je ne cherchai donc pas à accabler tel ou tel. Si Bruno avait commis une
lamentable erreur, il l’avait durement payée.
    — Comme tu peux le voir, continua le fossoyeur, à part
l’engrais que cela procurera à nos récoltes, ça ne nous paie pas plus que ça de
nos peines. Tous ces prisonniers, quels qu’ils soient, ont déjà été délestés de
toutes leurs valeurs par les légionnaires. Seules les mouches, désormais,
trouvent encore à s’en satisfaire.
    Il était clair, à l’entendre, qu’il ignorait tout de
l’invasion de l’Italie par les Ostrogoths et leurs alliés. Par le passé les
guerres avaient été si fréquentes dans ces régions que le paysan s’était
habitué à ce genre de convulsions, et ne cherchait même plus à savoir qui
combattait contre qui. Était-ce parce que je lui avais parlé latin ?
Toujours est-il que bien que je fusse étranger, il ne m’avait pas pris pour un
ennemi. Et vu le peu d’estime qu’il professait pour Tufa, j’aurais eu du mal,
de mon côté, à le traiter comme tel.
    Je fus tout de même quelque peu surpris, à la vérité, de sa
relative aisance d’expression. Mais je me souvins alors que j’étais ici en
terre romaine, où les gens des campagnes se distinguaient par un degré de
civilisation plus élevé que celui des régions périphériques de l’Empire.
J’appris plus tard que le peuple de cette région avait par ailleurs des
ascendances celtes. Plus pâles de teint et de plus haute stature que leurs
compatriotes de Vénétie, ils parlaient un meilleur latin, du fait sans doute de
la proximité de Rome.
    Le vieillard étant à la fois suffisamment loquace et enclin
à l’échange, je résolus d’en tirer toutes les informations que je pourrais.
    — Si comme vous le pensez, ce barbare de Tufa est parti
pour Ravenne, me suffira-t-il de suivre cette route pour y arriver ?
    Il inclina la tête et demanda d’un air caustique :
    — Tu tiens à voir la bête de plus près ?
    — Simplement la remercier au nom des mouches, pour la
munificence de ce repas, répliquai-je sur le même ton.
    Il gloussa, et dit :
    — Le terminus de la Via Aemilia est Ariminum, port
maritime sur l’Adriatique. Mais à quelques milles d’ici,

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