Théodoric le Grand
derrière les
lignes ennemies. Quoi qu’il en soit, avant ton départ, je vais envoyer des
messagers dans toutes les directions. Ils demanderont à tous les monarques
étrangers et tous les légats romains de ma connaissance de t’ouvrir leurs
terres, de te donner l’hospitalité et de faire tout ce qui sera en leur pouvoir
pour faciliter ta quête. Je leur demanderai par la même occasion de te fournir
tous les renseignements utiles portés à leur connaissance concernant le sujet
qui t’occupe. Bien entendu, je mettrai aussi à ta disposition tout
l’équipement, tous les cavaliers d’escorte et toutes les montures que tu me
demanderas. Souhaites-tu partir à la tête d’un imposant convoi, ou juste avec
quelques solides guerriers ?
— Je pense que je n’aurai besoin de personne, thags
izvis. Pour ce genre de quête, je préfère chevaucher seul, surtout si je
dois me glisser furtivement auprès de tribus hostiles. Je partirai armé, mais
pas en uniforme. Il pourrait s’avérer utile, en certains endroits, que je ne
sois pas immédiatement identifiable comme un Ostrogoth. Je n’aurai donc besoin
que de mon cheval, et des victuailles que pourra porter ma selle. Ja, je
voyagerai comme je l’ai toujours fait, comme un homme des bois errant.
— Habái ita swe ! dit Théodoric, prononçant
pour la première fois depuis longtemps cette magistrale affirmation :
« Qu’il en soit fait ainsi ! »
*
Dès que je quittai le palais, je me rendis dans ma petite
maison en ville. Là, je fis dans mes placards et mes coffres un choix de
vêtements portés par Veleda, ainsi que des produits de maquillage et quelques
bijoux. M’étant habillé avec quelques-uns de ces vêtements, je roulai les
autres avec ma tenue de Thorn en un paquet transportable. En sortant du logis,
je fermai à double tour derrière moi, et frappai à la porte à côté. La vieille
femme qui habitait là avait souvent salué de la tête Veleda ; apprenant
que je m’absentais « pour un petit moment », elle accepta sans
hésitation de garder un œil sur la maison.
Je sortis de la ville, bifurquai jusqu’à un épais buisson,
et changeai de nouveau de vêtements, afin de rentrer à la ferme vêtu en maître
Thorn. Là, dans ma chambre, je me préparai à empaqueter mes vêtements et
accessoires de Veleda avec tout ce dont je pourrai encore avoir besoin au cours
du voyage. Je n’avais aucune idée préconçue quant à l’utilisation future de ces
habits ; je tenais juste à être prêt au cas où il serait plus opportun
d’apparaître en Veleda qu’en Thorn.
Je passai les deux jours suivants en consultation avec mes
différents métayers. Ils me firent, chacun son tour, leur rapport sur la
situation actuelle du secteur de la ferme sous leur responsabilité, et
m’exposèrent leurs idées au sujet de projets ultérieurs. Je donnai mon accord
sur certains, et pour d’autres suggérai qu’on les différât ou qu’ils fussent
abandonnés. Je leurs soumis mes propres plans afin qu’ils prennent le temps d’y
réfléchir, et leur donnai dans certains cas des instructions bien précises. Au
final, je fus pleinement rassuré : la ferme continuerait de fonctionner
sans heurts, tout aussi productive en mon absence.
Je profitai également de ces deux jours pour réfléchir aux
affaires qui pourraient m’être utiles au cours de mon voyage. Les ayant mises
de côté au fur et à mesure, je finis par les laisser tomber, me disant qu’elles
ne seraient vraiment pas indispensables. Je me contentai finalement d’enrouler
mes habits de Veleda et une tenue de rechange pour Thorn, et de rassembler
quelques rations de victuailles pour le voyage, une ligne de pêche et des
hameçons, une flasque et un bol, une fronde de cuir, un silex et de l’amadou,
ainsi que la pierre de soleil glitmuns, seul legs qui me restait du
vieux Wyrd. Les nuits de ces deux jours furent quant à elles réservées à mes
adieux respectifs à Naranj, puis à Renata.
Ce fut par une belle matinée ensoleillée de mai que je
quittai ma ferme, espérant ressembler davantage à un vagabond sans but qu’à un
maréchal du roi. Je ne pouvais en revanche pas faire grand-chose pour travestir
la valeur intrinsèque de mon Velox II, mais j’avais malgré tout
délibérément ordonné à mes palefreniers de s’abstenir de l’étriller et de le
brosser au cours des deux derniers jours. Mes vêtements étaient de la facture
la plus grossière, et bien que
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