Théodoric le Grand
enseignai d’autres connaissances ; elle s’avéra une élève douée et
apprit vite, d’autant que je le fis dans un esprit beaucoup plus ludique que
didactique. Je me souviens par exemple qu’elle fut follement amusée lorsque
j’entrepris de lui apprendre tous les termes grecs désignant la poitrine, que
j’avais moi-même appris durant mon séjour à Constantinople. Elle trouva cela
aussi instructif que curieux, notre Vieille Langue n’ayant généralement qu’un
mot pour désigner chaque partie du corps.
— Ce que nous appelons brusts, la poitrine tout
entière, commençai-je, se dit en grec kolpós. Mais chacun de ceux-ci,
fis-je en lui prenant tendrement un sein en coupelle dans le creux de ma main,
s’appelle un mástos, et la vallée qui les sépare (je la caressai) le stenón. Cette aréole rose, au bout de chaque sein, est le stetháne, et le
petit bouton en saillie au milieu (j’en fis délicatement le tour du bout du
doigt) le thelé. Et tiens, vois comme il s’érige à la moindre
caresse : lorsqu’il est ainsi en alerte, il devient le hrusós.
Elle frissonna avec délice et demanda :
— Pourquoi penses-tu, Thorn, que les Grecs ont jugé bon
d’employer tant de mots ?
— Ils sont connus pour leur esprit inventif, et cela ne
date pas d’hier. Par ailleurs, ils ont la réputation d’être beaucoup plus
libres et spontanés que les races nordiques sur le plan de la sensualité.
Peut-être ont-ils donc inventé tous ces mots – et il y en a bien d’autres,
désignant toutes les autres parties et fonctions du corps humain – pour
les aider à faire l’amour avec la plus grande volupté possible. Comme tu as pu
le remarquer, et il te serait difficile de le nier en cet instant, le simple
fait de désigner ces parties du corps en les nommant a tendance à les exciter
chez la femme.
On s’en doutera aisément : nous trouvions tous deux ce
voyage si plaisant que nous n’avions aucune envie de nous hâter, désirant au
contraire tout faire pour le prolonger à plaisir. Cependant, après une semaine
ou deux d’un chemin peu empressé, nous parvînmes à la ville fortifiée de
Durostorum où nous prîmes une chambre dans un hospitium bien équipé. Je
laissai Swanilda s’abandonner aux délices des thermes de l’établissement
pendant que j’allais me présenter au praetorium de la Légion Italica. Le
commandant que j’avais rencontré naguère était, après tout ce temps, parti en
retraite. Mais son remplaçant étant bien sûr un subordonné de Théodoric fut de
la plus exquise hospitalité envers un maréchal du roi. Nous nous assîmes et
entreprîmes de savourer l’un des innombrables vins de Durostorum. Il me mit au
courant des dernières nouvelles en provenance de Novae. Il n’avait eu que des
rapports de routine, ne disposait pas d’informations particulières sur une
avancée menaçante de Strabo, accompagné ou pas de ses alliés présumés les
Ruges. Je n’eus donc ni besoin d’interrompre ma quête pour revenir me ranger
aux côtés de Théodoric, ni aucun prétexte à le faire.
— Pas plus qu’il n’est besoin, m’expliqua
charitablement le chef de la garnison, de poursuivre votre marche laborieuse
dans les terres, Saio Thorn. Pourquoi ne pas louer une barge ici, et
vous laisser flotter confortablement sur le Danuvius ? Vous atteindrez la
mer Noire beaucoup plus vite, et bien moins usé par les fatigues du voyage.
J’allai me renseigner à ce sujet sur les quais. Et c’est
précisément là que je tombai sur les premières traces de la piste que je
cherchais à suivre, celle des anciens Goths.
Le deuxième ou troisième propriétaire de barge que
j’approchai était un homme suffisamment vieux lui-même pour avoir été l’un de
ces Anciens. Il me demanda, quelque peu incrédule, pourquoi j’entendais lui
payer le prix considérable d’un transfert vers la mer Noire, alors que je
n’avais aucune marchandise à y transporter. Ma mission n’ayant rien de
confidentiel, je lui dis franchement que je cherchais à gagner la terre
d’origine d’où étaient issus mes ancêtres.
— Ah ! Dans ce cas, effectivement, la barge est le
meilleur moyen de s’y rendre, fit-il. Et je vous le dis, vous n’aurez pas à
suivre tout du long les rives de la mer Noire pour découvrir cette terre :
figurez-vous que les Goths de jadis vivaient précisément à l’embouchure du
fleuve, dans un endroit appelé les Bouches du Danuvius.
Quelque peu
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