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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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incrédule à mon tour, je m’enquis :
    — Comment pouvez-vous en être si sûr ?
    —  Vái ! Ne me dites pas que vous n’avez pas
reconnu mon accent ! Je suis un Goth de la tribu des Gépides. De plus,
c’est notre travail, à nous les bateliers, de savoir qui habite sur nos rives.
Nous savons donc aussi, en toute logique, qui les a habitées avant. Et
pas seulement l’an passé, mais depuis des siècles. Nul d’entre nous ne
l’ignore, les Goths de l’ancien temps vivaient dans les Bouches du Danuvius.
Aussi bien, si vous avez vraiment de l’argent à gaspiller, nous nous faisons
fort, moi et mon équipage, de vous emmener jusqu’à ce delta.
    Je l’engageai sur le champ, lui demandai de se tenir prêt le
lendemain, et lui versai une partie de la course par avance, exigeant qu’il
fasse ample provision de nourriture sur la barge, sans oublier la provende de
nos bêtes – et aussi, ajoutai-je gaiement comme après réflexion, un bon
assortiment de ces savoureux vins de Durostorum, assez pour deux passagers. Je
regagnai alors l’ hospitium, et rejoignis Swanilda aux bains, comptant
bien m’y prélasser en sa compagnie, car ce serait probablement notre dernière
occasion de séjourner dans des thermes aussi élégants jusqu’à notre retour à la
civilisation.
    Le lendemain matin, dès que les hommes d’équipage eurent
fait monter nos chevaux à bord et les eurent convenablement attachés au centre
de l’embarcation, notre barge s’élança sur les flots. J’étais en train d’aider
Swanilda à ranger nos effets personnels et à étendre nos peaux d’ours sous la
marquise placée à la proue du navire, quand le vieux capitaine me héla, depuis
le gouvernail :
    — Ce cavalier que l’on distingue là-bas, chercherait-il
après vous ?
    Je me relevai et vis, sur le quai que nous venions de
quitter, un autre cheval monté. Son cavalier, planté bien droit sur sa selle,
nous regardait partir les doigts en visière, mais sans nous appeler en aucune
manière, ni nous faire de gestes. Du milieu du fleuve où nous nous trouvions,
je ne pus remarquer que sa silhouette assez fine, sans pouvoir distinguer ses
traits. Néanmoins, je lui trouvai quelque chose de vaguement familier.
    — Un domestique de l’ hospitium, sans doute,
fis-je à Swanilda. Aurions-nous oublié là-bas l’un de nos bagages ?
    Elle enveloppa d’un regard nos effets, et après en avoir
fait un rapide inventaire, me répondit :
    — Rien d’essentiel, en tout cas.
    Je fis signe au vieux timonier de continuer à s’éloigner. Et
dès que nous eûmes passé le premier méandre du fleuve, le cavalier sur la rive
disparut, et s’effaça de nos mémoires.
     
    *
     
    L’essentiel de notre descente du fleuve aurait pu
s’apparenter à la vie indolente que j’avais si longtemps vécue à Novae. Le
Danuvius coulait bien plus vite que le pas d’un cheval, mais ici, dans ses
parties les plus en aval, il n’était plus troublé par des rapides, ni
interrompu par des cascades. Je n’avais rien à faire, pas de questions à me
poser sur le trajet, ni à m’inquiéter non plus au sujet de l’approvisionnement
en nourriture. Je me contentais de jeter de temps à autre ma ligne à l’eau pour
agrémenter l’ordinaire d’un peu de poisson, et une fois ou deux, juste pour
voir, pris un quart au gouvernail. Swanilda se rendit utile en recousant
quelques vêtements des hommes d’équipage, et en peignant leurs barbes et leurs
cheveux quand ils en avaient besoin. Mais elle et moi passâmes la plus grande
partie du temps à nous prélasser jour après jour dans la chaleur du soleil et à
nous y dorer, admirant les paysages qui défilaient et les autres bateaux qui
circulaient sur le fleuve. La nuit, nous avions d’autres distractions. La seule
initiative que je pris dans la poursuite de ma quête fut d’interroger le vieux
timonier au sujet de l’origine du nom de sa tribu. Savait-il pourquoi on les
appelait des Gépides ?
    Il n’en avait aucune idée, et se contenta donc de me
répondre :
    — Que voulez-vous dire par là ? C’est notre nom…
Autant se demander pourquoi ce fleuve s’appelle le Danuvius. C’est ainsi, un
point c’est tout !
    La rivière s’élargissait progressivement, et bientôt, sa
largeur dépassa tout ce que j’avais pu voir jusque-là. Nous ne tardâmes pas à
dériver au milieu d’un large éparpillement d’îles, d’îlots, de tertres et de
monticules boisés mais inhabités. Peu

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