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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à peu, les zones boisées, autant sur ces
éminences que sur les rives lointaines, se raréfièrent, cédant la place à
quelques arbres isolés. Il ne subsista plus dès lors que des buissons ras,
parfois des bancs de roseaux ou des chenaux remplis d’herbes des marais et
autres amas flottants de mauvaises herbes enchevêtrées. Leur contournement fut
loin d’être facilité par les nuées d’insectes suceurs de sang surgis de ces étendues
boueuses, presque aussi nombreux, virulents et exaspérants que ceux auxquels
j’avais été confronté au défilé de la Porte de Fer. C’est pourtant dans ces
parages que le pilote de la barge agita son bras en l’air et annonça :
    — Voilà, vous y êtes. Ce sont les Bouches du
Danuvius !
    —  Iésus ! m’exclamai-je. C’est donc ici que
nos ancêtres Goths avaient trouvé bon de s’installer ? Dans ce
bourbier ?
    —  Akh, ne soyez pas aussi dédaigneux. Cette
terre est riche et vaste. Nous sommes encore à plus de quarante milles romains [25] de l’endroit où les nombreux bras du Danuvius se déversent dans la mer Noire.
Et ces terres marécageuses s’étendent encore sur de longues distances de part
et d’autre. Au total, ce tentaculaire delta couvre une surface supérieure à une
région romaine tout entière, et produit sans doute davantage que beaucoup
d’entre elles.
    — Mais il n’est pas aussi beau, murmura Swanilda.
    À quoi le vieillard répliqua sèchement :
    — Je pense, chère madame, que nos ancêtres accordaient
un peu plus d’importance à d’autres choses. Ce qui les préoccupait avant tout
était de survivre, et ces Bouches du Danuvius leur donnèrent en cela toute
satisfaction. Jetez un coup d’œil sur les nombreux bateaux de pêche voguant sur
ces canaux, dont les eaux grouillent d’un excellent poisson. De la perche, de
la carpe, du poisson-chat, des centaines d’autres variétés encore… Avez-vous
remarqué les innombrables volées d’oiseaux ? Vous avez là des hérons, des
aigrettes, des ibis et des pélicans. Et ces monticules abritent aussi certains
de leurs prédateurs : sangliers, chats sauvages, carcajous, martres…
    Son enthousiasme était contagieux. Je parcourus à nouveau
des yeux ces territoires, et les envisageai soudain comme les avaient vus les
Goths de jadis, arrivés ici après avoir traversé toute l’Europe du Nord, à la
recherche d’un endroit habitable où s’établir, et que la faim devait sans doute
tenailler.
    —  Ja, les Goths ont vite engraissé ici, et ils
s’y sont épanouis, continua le patron de la barge. Ils fumaient et salaient
toute la viande qui leur restait, collectaient peaux, plumes et duvet, et
allaient vendre le tout avec profit sur tout le pourtour de la mer Noire,
jusqu’à Constantinople et au-delà. Je gage que les Goths n’auraient jamais
quitté ces terres si les envahisseurs huns ne les en avaient pas déracinés,
puis impitoyablement chassés vers l’ouest.
    — Et qui sont donc les gens, demandai-je, qui pilotent
tous ces bateaux de pêche que nous voyons aux environs ?
    — Les occupants actuels sont principalement les Tauris
et les Khazars, habiles eux aussi à repérer une terre accueillante dès le
premier regard. Mais quelques Goths de l’ancien temps ont tout de même réussi à
se cacher des maraudeurs huns, ou à revenir s’y installer quand ces derniers ont
été anéantis. Ja, vous trouverez encore, çà et là, des familles de
Goths, parfois une sibja ou un gau, jamais vraiment une tribu,
qui continuent encore et toujours à pêcher, à poser des pièges, à traquer le
gibier d’eau et à faire du négoce, vivant fort confortablement de ces
activités. Si vous passez un peu de temps ici, vous les trouverez forcément.
    — D’accord, mais où faire halte ? demanda
Swanilda, qui ne distinguait rien d’autre que des bateaux de pêche.
    — À Noviodunum [26] , répondit le
vieil homme. Nous y serons demain. Avant que les Huns ne viennent la mettre à
sac et ne la brûlent, c’était une cité assez importante. Mais ce qu’il en reste
est encore florissant, le fleuve étant à cet endroit encore assez profond pour
permettre aux navires marchands de la mer Noire de venir s’y ancrer. On y
trouve de ce fait quelques gasts-razna tout à fait acceptables.
    Il fit une légère pause, et éclata de rire.
    — Et croyez-moi, ça va vous faire un choc, lorsque vous
verrez pour la première fois un de ces navires de haute mer arriver

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