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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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était en train de seller les chevaux, chantonnant et
se parlant tout seul, apparemment animé d’une surexcitation juvénile. Je me
souvins que Meirus avait dit, en parlant de lui : « N’allez pas me
gâcher ma marchandise. » J’en déduisis que les occasions de ne pas trotter
à côté du cheval de son maître avaient dû être rares.
    Quand Baúhts et Swanilda nous apportèrent nos paquets de
provisions, Lombric me regarda attentivement sauter sur le dos de Velox, et
tenta immédiatement de m’imiter. Mais il fut trop énergique, car il voltigea
au-dessus de sa selle et son impulsion l’entraîna de l’autre côté de son
cheval, à la stupéfaction générale, y compris celle de nos montures. Je compris
alors que Lombric n’avait vraiment pas été « gâché », n’ayant tout
simplement jamais enfourché un cheval de sa vie. Je lui proposai d’échanger nos
bêtes, lui offrant la sécurité de monte offerte par la sangle ventrale de
Velox. Il ne s’agissait pas d’une simple marque de générosité de ma part ;
je ne tenais pas à être sans cesse retardé sur la piste par d’incessantes
dégringolades.
    Durant une bonne partie de la matinée Lombric se tint coi,
concentré sur son équilibre et sur les indications de trajet données par
Fillein. Mais peu à peu, sa langue se délia, et son tempérament d’Arménien
volubile reprit le dessus. Je n’eus pas à me plaindre de son caquetage :
dans la prairie infinie que nous traversions, sous ce ciel bleu moucheté de
nuages en vesse-de-loup, rien d’intéressant à voir et à entendre, ni sujet de
réflexion, hormis l’immensité même du paysage. Aussi la loquacité de Lombric me
sauva-t-elle d’un ennui pesant.
    Son verbiage consistait essentiellement en une énumération
admirative des fabuleux talents de devin de son maître, qui lui avaient
invariablement valu, à l’entendre, des profits accrus pour son entreprise de
vente de boue, sans jamais se traduire, toujours à l’en croire, par un nummus supplémentaire dans sa propre bourse ou celle des autres employés. Il était
donc, on peut le comprendre, très désireux de mettre ses propres qualités au
service de sa prospérité personnelle. Car enfin, s’il possédait un nez assez
efficace pour flairer les boues les plus lucratives, il se faisait fort d’en
renifler tout un tas d’autres bien plus profitables encore, dans le sol ou
ailleurs.
    Au terme de ce discours, il me lança un regard en coin et
ajouta :
    — Le fráuja Meirus affirme que vous voulez
remonter l’ancienne piste des Goths jusqu’aux lointains rivages du golfe Wende.
    —  Ja.
    —  Et le littoral de ce golfe s’appelle bien la
Côte de l’Ambre ?
    — C’est cela.
    — On y trouve donc de l’ambre en grandes
quantités ?
    — Sans doute.
    — Avez-vous l’intention d’en chercher vous-même, quand
vous serez sur place avec Dame Swanilda ?
    — En chercher ? Non, nous avons autre chose à
faire. Mais si je venais à trébucher sur un morceau d’ambre, soyez tranquille,
je ne l’enjamberais pas d’un air négligent.
    Lombric ne tarda pas à abandonner habilement le sujet pour
se lancer dans tout un tas de potins superficiels, histoire de me laisser
réfléchir à l’opportunité qu’il y aurait à emmener avec moi, dans le Nord,
quelqu’un ayant l’habitude de se promener, à proprement parler, le nez au ras
du sol. Toute insistance eût été inutile ; son nez arménien, très typé, ne
pouvait manquer d’être repéré au premier coup d’œil. Il fit néanmoins une
nouvelle allusion à ses talents, alors que nous arrivions en vue d’un misérable
monticule en forme de hutte.
    — Vous avez vu, fráuja , avec quelle habileté je
sais détecter les choses ? Nous arrivons probablement à l’endroit que m’a
indiqué Fillein, la résidence du vieux Galindo.
    S’il ne s’était pas trompé, alors ce devait bien être le
vieux Galindo assis juste devant, et il était visible de fort loin, que sa
maison soit aussi grosse ou aussi peu imposante que lui. À vrai dire, la
« résidence » en question se résumait à un sommaire dôme de boue séchée,
à peine plus habitable qu’une des grosses bulles de vase que le marais
dégurgite de temps à autre. Pourtant, son occupant en avait interdit l’accès
aux intrus aussi habilement que s’il s’était agi d’une véritable cité
fortifiée. Certes, le risque d’être ici assailli par des cavaliers eût été
pratiquement

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