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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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lui ôta
prestement ses longues plumes dorsales, et rejeta son cadavre loin dans les
roseaux.
    — Martins-pêcheurs et carcajous nous en seront
reconnaissants.
    Ainsi continua-t-il, prélevant sur les aigrettes les seules
plumes du dos et des épaules, des hérons celles de leur tête, la crête bouclée
des pélicans, et à mon plus grand étonnement, il ôta et mit de côté les minces
becs recourbés des ibis.
    — Vous pensez qu’il existe un marché pour des
becs ? demandai-je.
    — Les lekjos les achètent. Medici. Les
docteurs.
    — Vraiment ? Et pour quoi faire, grands
dieux ?
    — Pour parler crûment, Maréchal, pour faire de la skeit, comme vous le disiez tout à l’heure. Le médecin fixe l’une à l’autre les
deux parties du bec, en scie proprement l’extrémité, et attache un sac de cuir
à sa partie la plus large. Ensuite, pour soulager la douleur de ses patients
constipés, il enfonce la pointe du bec dans leur fondement et leur injecte un
clystère laxatif. Cela dit, Saio Thorn, si vous devez rester assis sans
rien faire alors que je travaille, vous pourriez aussi bien vous rendre utile,
par exemple en plumant l’une de ces tadornes pour que nous l’emportions à la
maison. Ne. À la réflexion, prenons-en carrément deux. Pour célébrer
cette bonne prise, nous offrirons également à Maghib un bon repas.
    C’est ainsi qu’ayant achevé chacun notre tâche, nous
rentrâmes par là où nous étions venus, moi chargé des deux canards que j’avais
plumés, du ballot de filets et des moules, et Fillein portant ses précieuses
plumes et les becs d’ibis. Et ce soir-là, bien que Lombric fut de nouveau servi
à l’extérieur, nous fûmes cinq à festoyer d’un canard sauvage farci aux moules
cuit sous la cendre. Plus tard, quand Swanilda et moi nous allongeâmes dans le
grenier, repus et somnolents, je la fis bien rire, lui contant comment
l’auguste maréchal du roi avait passé la journée à obéir aux ordres d’un vieux
paysan, s’était vu confier plusieurs tâches serviles, avait été envoyé au bain
sans cérémonie par le même vieillard… tout en apprenant, au passage, quantité
de choses.

 
10
    Le lendemain matin, au petit déjeuner, le vieillard
annonça :
    — Aujourd’hui, Saio Thorn, j’ai décidé
d’infliger à votre insatiable curiosité et votre maladive incrédulité une
visite chez quelqu’un d’autre.
    — Allons, vénérable Fillein, fis-je. J’avais encore un
grand nombre de questions à vous poser sur le temps jadis…
    —  Ne, ne. Ma vieille épouse et moi passons la
journée à réparer nos filets, et ne tenons pas à être dérangés dans cette
besogne. Vous allez pouvoir poser toutes vos questions à mon voisin Galindo.
    — Votre voisin ? répétai-je, n’ayant repéré aucune
autre maison dans le voisinage.
    —  Akh, ici dans le delta, nul n’est jamais très
proche de son voisin, mais vous pourrez faire l’aller-retour dans la journée.
    — Galindo est un nom gépide, je me trompe ?
    —  Ja. Et en bon Gépide, il vous régalera sans
doute d’une tout autre version de notre histoire locale. Il a du reste voyagé
plus loin que moi. Dans sa jeunesse, Galindo servait dans une légion romaine,
quelque part en Gaule.
    — Je suis certain qu’il ne sera pas aussi intéressant à
écouter que vous, vénérable Fillein. Mais je vous fais confiance. Comment
trouverai-je ce Galindo ?
    — J’ai donné les instructions nécessaires à Lombric. Il
vous y mènera. Galindo est un Gépide, par conséquent léthargique de nature. Il
s’est enterré telle une huître dans un des coins les plus stériles et les plus
retirés du marais. Il vit seul, sans même une femme, et fuit toute compagnie.
Mais les routes menant à son ermitage sont fermes tout du long, vous pourrez
donc vous y rendre tous les deux à cheval.
    — S’il est aussi peu enclin à admettre la compagnie
d’autrui, qu’est-ce qui vous fait croire qu’il acceptera de me recevoir, même
en ma qualité de maréchal du roi ?
    Fillein se gratta la barbe.
    — C’est vrai que votre rang ne risque guère de
l’impressionner. Vous n’aurez qu’à lui dire que vous venez de ma part, il vous
recevra peut-être sans trop grincher. Mais il va de soi qu’en bon cossard de
Gépide, il ne s’activera certainement pas pour vous offrir à manger. Je vais
demander à Baúhts d’envelopper quelques restes du repas d’hier, que vous
emporterez avec Maghib.
    Celui-ci

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