Thorn le prédateur
tourna de nouveau volontairement de façon à ce
qu’il regarde le corps mort de sa femme. Cette fois, quand il le fit, il y eut
dans ses yeux une telle expression d’horreur que je tournai le regard pour
découvrir à quelle scène dramatique il assistait.
Le Hun qui avait égorgé Placidia s’était écarté à grands pas
en arrière, tenant Becga comme un sac sous son bras. Il avait laissé tomber la
tête de Placidia de telle manière qu’elle semblait regarder son propre corps,
les yeux à moitié ouverts. Celui-ci avait cessé de se convulser, et maintenant
seules ses chairs remuaient par saccades frissonnantes, comme la queue d’un
cheval qui chasse les mouches. Mais ses jambes, qui avaient commencé de se
disjoindre, s’écartaient insensiblement, de plus en plus, et toujours
davantage. Dans le même temps, son abdomen enflé s’affaissait, avec de petits
soulèvements et de légers clapotis, comme une vessie percée par une esquille.
De l’intérieur, d’entre les cuisses encore en train de s’écarter, coulèrent
alors une quantité de fluides plus ou moins visqueux, et très lentement, très
lentement, s’extruda la masse gluante, sans forme, de quelque chose de pulpeux,
de couleur rouge sombre et pourpre bleuté. Quand elle fut tombée sur le sol, la
masse palpita brièvement, poussa un bref vagissement ténu, mais parfaitement
audible, et demeura immobile, luisante et silencieuse.
Son gémissement eut pour écho le cri d’agonie de Fabius. Je
ne sais s’il criait de ce qu’il venait de voir ou de ce qu’on lui faisait. Le
lubrique Hun si désireux de le violer s’était maintenant saisi d’une
lame – pas une épée, mais un simple poignard de ceinture – et avec
soin, presque délicatesse, il perça d’une courte incision le ventre de l ’optio, juste au-dessus des poils pubiens. Quand ce fut fait, le Hun jeta son
couteau, et enjambant le corps de Fabius toujours fermement maintenu au sol,
enfonça son fascinum dans cette fente puis commença de pomper du bassin
comme il l’aurait fait avec une femme. Fabius ne poussa pas d’autre cri et ne
se donna même plus la peine de lutter, se contentant de contempler, de ses yeux
désormais complètement fous, les restes de sa femme et de son second enfant.
Je faillis hurler à mon tour quand une main s’abattit, de
l’arrière, sur mon épaule. Mais c’était Wyrd, qui semblait très fatigué, les
yeux empreints d’une immense mélancolie face à la scène qui s’étendait devant
nous.
— Pluton a dû sortir des enfers pour permettre de
telles choses, dit-il dans un souffle, avant de nous faire signe de le suivre.
Il nous conduisit, par un long détour que nous parcourûmes
tassés sur nous-mêmes, jusqu’à l’autre côté de la vallée, où deux chevaux se
trouvaient attachés à un arbre. L’un était mon Velox, l’autre un de ces miteux
poneys Zhmud des Huns, harnaché d’une bride et d’une selle encore plus minables
que lui.
— Nous devrons nous éloigner sans bruit, me chuchota
Wyrd. Mais dès que nous serons parvenus hors de portée d’oreille, nous pourrons
nous mettre au galop et là, je l’espère, déguerpir pour de bon. Les Huns seront
tellement occupés à prendre du bon temps avec Fabius qu’il leur faudra un
certain temps avant qu’ils ne songent à se demander comment ses gardiens l’ont
laissé s’échapper.
Il hissa l’enfant sur la selle de Velox, et lui dit
simplement :
— Tu as été un bon et brave Romain, jusqu’ici,
Calidius. Continue ainsi, garde le silence, et nous te ramènerons bientôt à la
maison.
— Et mon papa et ma maman ? demanda le garçon,
fronçant les sourcils au souvenir de ce qu’il avait vu avant que je ne lui
couvre les yeux. Ils vont revenir, eux aussi ?
— Tôt ou tard, mon garçon, tout le monde finit par
rentrer chez soi. Maintenant chut ! Et apprécie la promenade.
Wyrd et moi conduisîmes nos chevaux plein ouest, à un pas
soutenu mais discret. Je crus d’abord que nous empruntions un chemin détourné,
destiné à égarer d’éventuels poursuivants, mais nous conservâmes ce cap, et je
finis par demander à Wyrd pourquoi nous ne nous rendions pas aux barges.
— Parce qu’elles n’y sont plus, grogna-t-il. Du moins
nous ne pouvons nous permettre d’y croire, sans Fabius pour tenir en respect
les bateliers à la pointe de l’épée. Nous gagnons donc la rive droite du
Rhenus, vers un endroit où le fleuve, plus calme, s’élargit en
Weitere Kostenlose Bücher