Thorn le prédateur
montant vers le
nord. Nous pourrons le traverser avec les chevaux. Si nous parvenons à rallier
la rive gauche avant que les Huns ne nous rattrapent, ils n’oseront pas nous
donner la chasse sur les terres de la garnison.
Un moment plus tard, je laissai tomber :
— Fabius a tenté une folie. Mais il a fallu du courage.
— Ja, soupira Wyrd. Je n’ai pas été si surpris
que ça de le voir débouler. Tout ce que j’espérais, c’est que tu sois parvenu à
opérer la substitution avant qu’il ne chavire tous nos plans. Mais par les huit
pattes du cheval d’Odin le Voyageur, tu t’en es sacrément bien sorti, gamin.
— Dame Placidia elle aussi a fait preuve de courage.
Jamais je n’aurais pu réussir sans cela. Et Fabius, que va-t-il lui
arriver ?
— Les Huns vont continuer ce que tu les as vus
commencer, chacun son tour, jusqu’à ce qu’ils se lassent de lui, ou qu’ayant
perdu beaucoup de sang, il se soit trop affaibli. Alors, ils le donneront
encore vivant à leurs femmes.
— Quoi ? Les femelles Huns vont lui faire subir le
même sort ?
— Ne, ne. Elles assouviront leur plaisir en le
mettant à mort. Pour cela, elles ont un moyen bien à elles. Les Huns ne
permettent pas à leurs femmes de porter des armes, sans doute pour de sages
raisons d’autoprotection. Les femmes utiliseront donc des éclats acérés de
poterie pour entailler, taillader et hacher les chairs du prisonnier jusqu’à la
mort. Ça prend un certain temps, et Fabius sera content quand tout sera
terminé.
— Et pour Becga, qu’adviendra-t-il de lui ?
Wyrd haussa les épaules.
— Akh, les charismatiques ont été élevés et
entraînés à subir les usages les plus vils, et leur esprit est suffisamment
corrompu pour accepter avec passivité les pires traitements. Mais dans le cas
de celui-ci… je pense qu’il est hors de danger et ne subira aucune molestation,
du moins pour le moment.
Je ne voyais vraiment pas pourquoi des Huns qui prenaient un
tel plaisir à violer à tour de rôle un rude Romain viril et agressif se
seraient gênés pour profiter des bonnes grâces d’un petit eunuque complaisant.
Mais avant que j’aie pu le lui demander, Wyrd ordonna :
— Je pense que nous avons suffisamment pris de champ,
désormais. En selle, et au galop. Atgadjats !
Je grimpai sur une souche et me hissai sur la selle tandis
que Calidius se reculait sur le coussin arrière et, comme l’avait fait Becga,
m’attrapait la taille de ses bras bien serrés. Wyrd bondit à nouveau
directement sur le dos de sa monture et, tout efflanqué qu’il parût, le petit
cheval répondit par un démarrage foudroyant à la première poussée de ses
talons, maintenant par la suite le même rythme effréné sans donner de signes de
fatigue.
Alors, tandis qu’autour de nous l’aube s’illuminait du jour
naissant, je fis deux choses que je n’avais encore jamais faites. D’abord, je chevauchai
au galop un splendide étalon, expérience à couper le souffle, et sans doute
l’une des plus vivifiantes qui se puissent concevoir. Mon juika-bloth sembla goûter intensément lui aussi ce plaisir ; au lieu de prendre son envol,
l’oiseau resta fixé à mon épaule, se contentant d’écarter fréquemment les ailes
pour jouir du vent de notre course. Durant cette cavalcade, j’adressai de
muettes pensées de reconnaissance au vieux Wyrd d’avoir si bien contribué, par
notre rigoureux périple en forêt, à renforcer la vigueur de mes cuisses. Sans
ce rude entraînement, jamais je n’aurais pu maintenir l’assise sur Velox durant
la totalité de ce long galop. En effet, l’intérieur de mes cuisses en vint à
être si échauffé que j’en aurais sans doute hurlé, si je n’avais pas goûté
jusqu’au délire notre folle chevauchée.
Nous ne revîmes plus de Huns. Et nous atteignîmes finalement
le Rhenus en un lieu où la berge descendait en pente douce presque jusqu’à la
hauteur du courant, qui s’était fait calme à cet endroit. Nous y fîmes une
halte et étanchâmes notre soif et celle de nos chevaux, laissant ces derniers
brouter le feuillage sec des environs. Pour notre part, nous ne mangeâmes rien,
pour la bonne raison que nous n’avions rien à manger, mais dans mon cas précis,
j’avais les muscles du ventre si ankylosés et tendus que je ne ressentais même
plus le vide de l’estomac qui pouvait se trouver au-dessous. Ce dut être la
même chose pour Calidius, car à aucun moment l’enfant ne se
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