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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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suis souvent demandé, les autres
fois où il s’était retrouvé seul après ses disparitions, s’il avait simplement
tout oublié, ou juste fait semblant de l’avoir oublié. Je savais maintenant
qu’il n’avait pas le moindre souvenir de ce qui arrivait en ces occasions. Il
était évident ici que Gudinand avait totalement rayé de sa mémoire sa remarque
au sujet d’une chouette, son cri de détresse et sa fuite effrénée, puis
l’agonie subie dans ce bosquet, et le temps écoulé depuis que nous avions tous
les deux envisagé nos bêtises à venir. Je ne pouvais que rester assis là, à le
regarder bouche bée.
    Il se redressa donc sur ses pieds, avec une certaine raideur
semble-t-il, car ses muscles avaient été douloureusement crispés de crampes, et
s’avança nonchalamment dans ma direction. Mais le mouvement qu’il fit lui
envoya une bouffée de sa puanteur, et il se figea, comme foudroyé sur place.
Alors son visage se décomposa, et au bord des pleurs, envahi par la détresse et
le dégoût de lui-même, il ferma les yeux de toutes ses forces et secoua la tête
d’un geste d’abjecte tristesse. Il dit alors, si bas que je pus à peine
l’entendre :
    — Tu as vu… Au revoir, Thorn. Je vais me laver.
    Et il fila d’un pas raide en direction du lac, s’efforçant
de s’éloigner de moi au plus vite.
    Quand il revint, seulement vêtu de son pagne encore humide,
et tenant à la main le reste de ses vêtements encore dégoulinants, il me vit
soudain, toujours assis contre mon arbre, et me regarda, transfiguré par la
surprise.
    — Thorn ! Tu es toujours là ?
    — Pourquoi ? J’aurais dû partir ?
    — Hormis ma vieille maman, tous ceux qui ont entendu
parler de ce… enfin, de cela… m’ont définitivement fui. Tu t’es déjà demandé
pourquoi je n’avais pas d’amis ? J’en ai eu, de temps en temps, mais je
les ai tous perdus.
    — C’est qu’ils n’étaient pas dignes d’être tes amis,
fis-je. Est-ce aussi pourquoi tu persistes à exercer cette sordide activité, à
la tannerie ?
    Il acquiesça de la tête.
    — Nul autre employeur n’accepterait jamais une personne
susceptible d’avoir une crise de ce genre en public. Là où je travaille, je
suis hors de vue, et… (il rit, l’air désolé) si je suis pris d’un accès dans le
bassin, ça ne peut guère troubler mon travail, après tout. Au contraire, ça
aiderait plutôt à remuer les peaux. Ma seule inquiétude, c’est que si un jour
je ne sens pas arriver la crise, et n’ai pas eu le temps de m’agripper au bord
du bassin, je risque d’être englouti dans l’épouvantable liquide et de m’y
noyer.
    — J’ai connu il y a longtemps un moine âgé qui
souffrait du même mal. Son medicus lui faisait régulièrement boire une
décoction de graines d’ivraie. C’était supposé aider à espacer ou à limiter
l’intensité de ses crises. As-tu déjà essayé ?
    Gudinand acquiesça de nouveau.
    — Ma mère m’en donnait religieusement une cuillerée de
temps à autre. Mais c’est difficile à doser et, trop concentré, ce peut être un
poison mortel. Aussi a-t-elle renoncé. Elle préféré avoir un monstre vivant que
mort.
    — Tu n’es pas un monstre ! l’interrompis-je
vivement. Tu sais, de célèbres figures de l’Histoire ont souffert leur vie
durant du « mal sacré ». Alexandre le Grand, Jules César, et même
saint Paul. Cela ne les a pas empêchés d’être de grands hommes.
    — Enfin, fit-il dans un long soupir, il y a peut-être
une chance que je ne souffre pas de ce mal toute ma vie…
    — Comment serait-ce possible ? J’ai ouï dire que
c’était incurable.
    — Dans le cas où la personne en serait encore atteinte
parvenue à l’âge adulte, oui… comme pour ton moine âgé, semble-t-il. Mais pour
qui en est atteint, comme moi, depuis la naissance, le mal peut cesser chez la
jeune fille lorsqu’elle a ses premières règles, ou dès que le garçon subit sa
première… initiation. (Gudinand rougit brusquement.) Ce qui n’a pas été mon
cas.
    — Et cela pourrait vraiment te guérir ?
m’exclamai-je, tout excité. Mais c’est merveilleux ! Pourquoi diable es-tu
resté vierge aussi longtemps, dans ce cas ? Tu aurais pu coucher avec une
fille dès mon âge. Voire plus jeune.
    — Ne te moque pas de moi, Thorn, fit-il d’un ton
misérable. Coucher avec quelle fille ? Toutes les filles de Constantia, et
même de plusieurs milles à la ronde, savent ce

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