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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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enivré, émoustillé à l’idée, justement,
d’imaginer qu’elles se réalisent. C’était mon corps que, d’une certaine façon,
je ne reconnaissais plus.
    Par le passé, lorsque j’avais su que Deidamia et moi serions
bientôt enlacées, et plus récemment, lorsque j’avais eu l’occasion de lorgner
d’un air intéressé quelque jolie femme ou désirable jeune fille dans les rues
de Vesontio, ou même ici à Constantia, j’avais eu une curieuse mais plaisante
sensation dans la gorge, derrière la jointure des mâchoires (pourquoi là, je
n’en sais rien) et une intense salivation s’était déclenchée sous ma langue, me
poussant à déglutir à plusieurs reprises. J’ignore si cette façon de réagir à
l’excitation m’était juste personnelle, et je n’ai jamais interrogé un autre
homme pour savoir s’il éprouvait les mêmes symptômes. Mais je suis sûr que
c’était spécifiquement une réaction de mâle.
    À présent que je me trouvais en présence de Gudinand,
j’éprouvais une sensation différente, quoique toujours aussi curieuse et
plaisante. C’était cette fois localisé au niveau de mes yeux (j’ignore
également pourquoi). Il me semblait avoir les paupières plus lourdes et plus
épaisses, alors même que je ne me sentais pas m’assoupir, et si j’avais eu la
possibilité à cet instant de me regarder dans un miroir, j’aurais découvert des
pupilles largement dilatées, même en pleine lumière. Je suis donc certain que
c’est l’exacte contrepartie de la sensation ressentie par l’homme au niveau de
sa gorge.
    Je ressentais aussi des changements physiques en des
endroits plus prévisibles. Mes seins s’érigeaient, et devenaient si sensibles
que le simple contact du tissu me faisait frémir d’excitation. Mes parties
intimes féminines se gorgeaient d’une chaude humidité. Mais curieusement, alors
que mon organe mâle devenait dans ces moments-là encore plus sensible au
toucher que mes seins, il n’avait ni la rigidité ni l’érection du fascinum que j’avais pu constater au cours de mes ébats avec Frère Pierre ou Sœur
Deidamia.
    Cette nouvelle donnée, un accès d’excitation sexuelle sans
érection notable, plutôt anormale, avait cependant pour moi une certaine
logique ; quand Pierre m’avait molesté, je me sentais un garçon ; et
lorsque Deidamia et moi avions folâtré, elle avait indiscutablement l’allure
d’une fille. La réaction de mon organe viril était donc dans les deux cas dans
la logique prévisible de la masculinité. Maintenant, je savais – et tous
mes organes semblaient partager cette certitude – que Gudinand était
incontestablement un homme, que je le désirais à la façon d’une femme, et mon
côté féminin avait pris le contrôle intégral de mon être.
    Finalement, l’obsession de mes désirs inassouvis et la
frustration de l’impossibilité de les réaliser m’envahirent à tel point que
j’envisageai très sérieusement de faire mes adieux à Gudinand pour partir à
l’aventure vers le sud du lac, à la recherche du vieux Wyrd. Cependant, un
dimanche où le temps était trop chaud et moite pour que s’engageât quelque
activité exténuante ou ardue, il advint que Gudinand et moi nous nous trouvâmes
occupés à nous prélasser dans un champ de fleurs sauvages hors de la cité. Nous
étions en train de manger le pain et le fromage que j’avais apportés tout en
discutant de la façon malicieuse dont nous pourrions occuper notre journée,
comme, par exemple, faire tourner en bourrique dans les petites rues de
Constantia les Juifs qui y tenaient des échoppes, quand Gudinand me dit
soudain :
    — Écoute, Thorn. J’entends une chouette hululer.
    J’éclatai de rire.
    — Une chouette levée en plein été, et à midi ? Je
ne crois pas…
    Mais l’angoisse se manifestait sur les traits de Gudinand,
et ses pouces se recourbaient contre ses paumes. Il y eut une différence par
rapport aux autres fois : juste avant qu’il ne prenne la fuite en courant,
il émit un long cri douloureux, comme s’il souffrait véritablement. Je ne
l’avais jamais suivi lorsque s’étaient produits ces épisodes. Cette fois, je le
fis. Peut-être juste à cause du cri qu’il avait poussé, parce que j’avais
éprouvé ces temps derniers tant de sentiments féminins qu’ils avaient induit en
moi une sorte de sollicitude maternelle…
    En temps normal, Gudinand m’aurait largement distancé à la
course, même avec ses

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