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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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pieds-sabots, mais je le rattrapai dans un taillis proche
du lac, car il était tombé à cet endroit. Il était évident qu’il n’avait fui
que pour trouver un lieu à l’écart lui permettant de succomber aux convulsions
qui le secouaient à présent. Il ne se débattait pas vraiment, mais gisait
étendu sur le dos, le corps rigide comme la pierre, tandis que sa tête, ses
bras et ses jambes étaient secoués de spasmes, frémissant comme la corde d’un
arc quand la flèche est partie. Son visage était si crispé que j’avais de la
peine à le reconnaître. Ses yeux, révulsés dans leurs orbites, étaient blancs.
Sa langue était largement sortie, maculée de bave. Et il puait terriblement,
s’étant vidé des deux côtés.
    Ce genre de convulsion était pour moi un spectacle inédit,
mais je savais de quoi il s’agissait : le « mal sacré ». Un
vieux moine à Saint-Damien, le Frère Philotheus, en avait souffert à l’époque,
et c’était la raison pour laquelle il avait pris le froc, les crises
consécutives à cette infirmité étant si fréquentes qu’il n’avait pu choisir
d’autre voie. Philotheus n’avait jamais eu d’attaque en ma présence, et était
mort alors que j’étais encore jeune. Mais notre infirmier, le frère Hormisdas,
nous avait expliqué en quoi consistaient ces accès, nous prodiguant de
rudimentaires conseils sur ce qu’il convenait de faire pour aider le frère, si
d’aventure nous devions nous trouver auprès de lui au moment où il en serait
frappé.
    Je suivis donc ces instructions. Je cassai une branche sur
un jeune arbre du taillis et, bravant la terrible odeur et l’apparence de
Gudinand, l’insérai entre ses dents du haut et sa langue, afin qu’il ne la
morde pas. Ayant gardé sur moi le sac de ceinture dans lequel j’avais amené
notre repas, j’y pris mon cornet à sel et en saupoudrai la langue dardée de
Gudinand, espérant qu’une petite quantité au moins descendrait jusque dans sa
gorge. Ayant aussi sur moi mon couteau, je le sortis de son étui et engageai sa
lame entre le pouce crispé de Gudinand et sa paume. « Glissez une pièce de
métal froid dans la main de la victime », avait dit Frère Hormisdas. Le
couteau nu était froid, et c’était tout ce que j’avais à portée de main pour
l’instant. Enfin, respirant comme je le pouvais par la bouche afin d’éviter de
sentir son odeur, je me penchai et pressai fermement des deux mains son
abdomen, de manière constante. Ces différentes mesures, avait dit l’infirmier,
étaient de nature à écourter la crise en améliorant l’état du patient.
    Étaient-elles vraiment efficaces, je ne saurais le dire, car
je me souviens avoir passé un long et pénible moment ainsi penché sur le ventre
de Gudinand. Mais soudain, aussi brusquement qu’il avait parlé du hululement de
cette chouette, ses abdominaux se relâchèrent sous mes mains. Ses extrémités
cessèrent de trembler, ses yeux retrouvèrent leur position et se fermèrent,
comme abattus par l’effort, sa langue se rétracta dans sa bouche, et ma branche
retomba. Il reprit l’apparence du Gudinand que je connaissais. Il resta
simplement étendu là, la poitrine encore frémissante, comme s’il avait perdu
connaissance après une longue course. J’arrachai une touffe d’herbe et essuyai
la bave qui avait coulé sur son menton, son cou et ses joues. Je ne pouvais
rien faire pour le reste, qui s’était échappé à l’intérieur des vêtements.
Aussi me retirai-je à quelque distance, et non sans soulagement, m’assis contre
un tronc d’arbre. Là, j’attendis.
    Peu à peu, la respiration hachée de Gudinand se calma. Un
instant plus tard, il ouvrit les yeux sans bouger la tête, regarda en l’air, de
chaque côté, tâchant à l’évidence de se repérer pour évaluer où il était et
comment il était arrivé là. Puis avec précaution, il s’assit et tourna la tête
ici et là pour mieux voir alentour. Il prit conscience de ma présence, assis
assez loin de lui, et ce qu’il fit alors me stupéfia. Je me serais en effet
attendu de sa part à une grimace d’embarras ou de gêne, de se voir surpris dans
une telle situation. Au lieu de cela, il me sourit largement et m’appela avec
entrain, comme s’il poursuivait tout naturellement notre conversation
interrompue :
    — Alors on y va, faire tourner ces Juifs en
bourriques ? Ou tu veux rester là toute la journée à ne rien faire ?
    Comme je l’ai dit, je me

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