Thorn le prédateur
définitivement
efficace…
L’espace d’un instant, la Juhiza assoupie en moi se fraya un
passage, et me fit lui répondre :
— Ma foi, il arrive effectivement que face à certains
maux, le medicus prescrive une véritable cure en guise de traitement…
Mais je mis un rude coup d’arrêt à cette impulsion lascive,
et rectifiai :
— Seulement il se trouve que ma sœur et moi avons déjà
désobéi aux ordres de notre tuteur, et si nous devions recommencer, il est
probable que Wyrd en entendrait parler d’une façon ou d’une autre.
L’imagines-tu surgir à l’improviste, pour découvrir que Juhiza n’est plus dans
notre logement ?
— Ja, fit Gudinand, soudain abattu. Je n’ai pas
le droit de vous exposer tous deux à sa colère.
— Cela dit, tempérai-je, le péril auquel tu demeures
exposé est plus grave que le nôtre. Si tu devais être la proie d’une nouvelle
attaque, ne cherche pas à me le cacher. Dis-le-moi, et… je verrai avec Juhiza…
si…
Son visage s’éclaira de nouveau d’un sourire éclatant.
— Souhaitons donc que la cure ait réussi. Pour
l’instant, toujours est-il que je me sens plus heureux et en meilleure forme
que je l’ai jamais été. Aussi que décides-tu ? Veux-tu que l’on profite du
reste de cette journée ? Une petite course, un petit combat, ou
préfères-tu aller pêcher sur le lac ? Tu n’irais pas en ville rendre la
vie impossible aux vieux Juifs des échoppes ?
*
Je ne serai pas très long sur ce qui s’ensuivit. Une semaine
ne s’était pas écoulée que Gudinand surgit sur notre lieu de rendez-vous l’air
défait, pour ne pas dire hagard. Durant l’après-midi, me raconta-t-il, il avait
ressenti de nouvelles convulsions, si soudaines que c’est tout juste s’il avait
eu le temps d’agripper le bord du bassin pour ne pas couler et s’y noyer. Il
était navré d’avoir à me le dire, mais cette « initiation sexuelle »
thérapeutique qu’il avait subie ne l’avait pas guéri… ou du moins
imparfaitement…
C’est donc Juhiza qui vint le retrouver dès la fin
d’après-midi suivante au bosquet du lac. Il s’y passa la même chose que la fois
précédente, aussi ne me répéterai-je point ; sachez simplement que ce fut
une étreinte encore plus longue et plus voluptueuse que la première.
Ce ne fut pas pour autant la dernière. Peut-être une semaine
après, Gudinand revint honteux m’avouer qu’il avait subi une nouvelle crise. Je
n’en avais pas été le témoin, mais le doute, en moi, n’était pas permis. Il me
semblait inconcevable que Gudinand abusât ou de son amitié avec Thorn, ou de la
complaisance de Juhiza. Aussi le crus-je sur parole à chaque fois, et fis en
sorte de lui arranger un nouveau rendez-vous avec Juhiza.
Durant l’une de ces entrevues, non content de m’exprimer ses
sincères remerciements et sa gratitude, comme il en avait l’habitude, Gudinand
ajouta brusquement :
— Je t’aime, Juhiza. Comme tu le sais, je suis un peu…
emprunté, dès qu’il s’agit d’exprimer mes sentiments à autrui. Mais tu dois
bien te douter que je te considère bien plus qu’une simple bienfaitrice. Je
t’aime. Je t’adore. S’il devait advenir qu’un jour, je guérisse vraiment de
cette maudite affliction, j’aimerais que nous…
Je passai un doigt sur ses lèvres, et souris, mais je
secouai la tête d’un air qui ne laissait pas de doute :
— Tu sais que je ne ferais pas tout cela, moi non plus,
si je ne ressentais pas une réelle affection pour toi. Et je ne te cache pas
que j’y prends autant de plaisir que toi. Mais j’ai juré de ne jamais plus être
esclave de l’amour. Quand bien même serais-je tentée de rompre mon vœu, ce
serait malhonnête vis-à-vis de toi comme de moi, puisque je suis appelée à
quitter Constantia dès la fin de l’été, aussi…
— Je pourrais partir avec toi !
— Et traîner derrière toi ta vieille mère
invalide ? (J’employais à présent le ton de la réprimande.) Ne, je
t’en prie, n’abordons plus ce sujet. Délectons-nous de ce que nous avons tant
qu’il en est encore temps. Toute construction d’une idylle future, toute idée
même de permanence en la matière jetterait un voile sur notre présent. Plus un
mot là-dessus, Gudinand. La nuit descend sur nous, déjà, et nous avons mieux à
faire que de parler.
*
J’ai raconté ces épisodes en aussi peu de mots que possible,
car je ne puis en faire autant de ce
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