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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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dont les
poils ont la faculté de s’incliner doucement en tous sens, puis d’en abraser le
grain à la poudre de pierre ponce, jusqu’à ce que leur surface accroche
suffisamment la plume de cygne des précepteurs. Dans la plupart des cas,
j’avais moi-même pris au collet les taupes en question, extrait de l’écorce du
chêne les larves de guêpes dont on tirait leur encre, et subi les douloureux
pincements et coups de bec des cygnes que je m’échinais à plumer.
    Une autre de mes tâches consistait à glaner dans les champs
les feuilles du piment royal avec lesquelles le frère infirmier concoctait un
thé aux vertus médicinales, ou à ramasser l’inflorescence cotonneuse des
chardons dont le frère tailleur bourrait les matelas. Nos oies et nos cygnes
produisaient une ample quantité de duvet, mais un tel luxe eût été inimaginable
dans le dortoir d’un monastère. Un autre jour, je pouvais être chargé de lâcher
une à une des poules caquetant et battant effroyablement des ailes dans la
cheminée de l’abbaye afin d’en ôter la suie, que je recueillais ensuite pour
aller la porter au frère teinturier. Il la ferait alors bouillir, mêlée à de la
bière, pour en tirer la jolie teinture brune qui colorait la robe des moines.
    En grandissant, je me vis confier des tâches à
responsabilité de plus en plus élevée. Frère Sébastien, affecté à la laiterie,
que je regardais remplir de crème deux paniers pendus de part et d’autre du dos
de notre vieille jument de trait, m’affirma solennellement un jour :
« La crème, Thorn, est fille du lait et mère du beurre. » Après quoi
il me jucha sur le dos de la bête, et me fit la secouer d’un trot précipité et
cahotant autour de la basse-cour, jusqu’à ce que comme par magie, la crème se
fût muée en beurre.
    Le jour où le charpentier, Frère Lucas, tomba d’un toit et
se fractura le bras, le frère infirmier Hormisdas me déclara : « La
consoude (symphytum officinale) est renommée pour son effet apaisant et
cicatrisant. » Là-dessus, il m’envoya dans les champs trouver et arracher
de quoi remplir de cette plante quelques paniers bustellus [13] . Lorsque je les lui rapportai, il avait allongé le bras de Frère Lucas dans
une sorte de gouttière de bois incurvée. Hormisdas me pria de l’aider à broyer
les racines de consoude en une pulpe visqueuse, et en enduisit le membre
blessé. À la tombée du jour, la pâte avait durci, prenant l’aspect du gypse. On
ôta la gaine qui l’enserrait, le patient garda autour du bras cet enduit rigide
jusqu’à la complète solidification du membre brisé, et le charpentier eut tôt
fait de retrouver ses entières capacités.
    J’avais toujours rêvé d’être appelé auprès de Commode, notre
frère vigneron, afin de patauger dans le pressoir en compagnie de ses moines
assistants, tous pieds nus mais lourdement vêtus afin que leur sueur ne vînt
pas corrompre le jus extrait. Cet exercice me semblait plus distrayant que
physiquement pénible. Mais je n’eus jamais l’occasion d’essayer ; je
n’étais pas assez lourd, par rapport à la place que j’aurais occupée dans la
cuve. J’étais en revanche tout à fait à même d’actionner le soufflet de cuir de
Frère Adrien, lorsqu’il forgeait des lames de faucilles, de faux et de
serpettes, des mors pour les chevaux des environs, ainsi que les fers
garnissant les sabots de ceux amenés à travailler sur des sols pierreux. Rien
ne me réjouissait davantage que d’être chargé de remplacer un berger malade,
empêché pour quelque autre raison ou trop ivre pour garder ses bêtes, car
j’appréciais au plus haut point être livré à moi-même dans les verts pâturages,
sans compter que veiller sur un troupeau ne vous brise pas le dos. Chaque fois,
j’emportais pour mon usage personnel une besace garnie d’un quignon de pain,
d’un morceau de fromage et d’un oignon, et à l’intention des moutons, une boîte
de pommade de genêts destinée à oindre d’éventuelles coupures, éraflures ou
piqûres d’insectes. Je me munissais aussi d’une houlette, afin de pouvoir plus
aisément attraper ceux ayant besoin d’un traitement.
    Hormis lorsque j’étais envoyé à l’extérieur, mon travail
comme celui de tout moine devait être planifié de manière à respecter la nécessité
de suivre les offices religieux, notre emploi du temps quotidien de l’année
étant rigoureusement minuté. Nous nous levions dans le noir

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