Thorn le prédateur
se rejoindre fort loin au-dessous. De rares
langues de terrain en pente douce affleuraient près de la surface du lac, et
l’on distinguait çà et là, éparpillées dans les montagnes, de petites prairies étagées
en terrasses. Certains des sommets alpins situés de l’autre côté du lac étaient
si hauts que même en ce plein été, ils étaient encore couronnés de neige. Ici
ou là, les pentes des montagnes étaient ravinées de crevasses et de falaises de
brune roche brute. Mais l’essentiel de ce massif était recouvert de forêts, et
vu de loin, il ressemblait à une toison plissée d’un vert profond, tachetée
d’un bleu-vert plus sombre lorsqu’un nuage ondulant s’y accrochait.
Le lac, l’Haustaths-Saiws, n’était qu’un étang miniature
rapporté à la taille du Brigantinus, mais incomparablement plus attirant et
rayonnant. Son bleu – ah ! ce bleu ! – faisait de lui, le
jour où je l’ai vu, une pierre précieuse nichée au creux des plis de la verte
toison des montagnes. Il m’est arrivé bien plus tard d’admirer l’éclat sombre
et pourtant resplendissant d’un saphir bleu. En le voyant, j’ai tout de suite
repensé à ce lac Haustaths.
*
De minuscules objets difficiles à identifier à une telle
distance flottaient sur l’eau, et juste à la verticale de l’endroit où nous
étions, si lointaine qu’elle ressemblait à ces petits villages de bois qu’on
fabrique aux enfants en guise de jouet, s’étalait la petite ville d’Haustaths [82] ,
sur l’une des fines langues de terrain plat affleurant aux abords du lac. Je
n’en distinguais que les toits, très en pente pour laisser glisser la neige
hivernale, avec au milieu une place, et quelques jetées s’avançant dans l’eau.
Ces toits étaient si nombreux que je voyais mal comment tant de maisons
pouvaient s’amasser au-dessous, dans un espace aussi compact. Nous descendîmes
de notre massif le long d’un torrent qui rebondissait gaiement sur le flanc de
la montagne en de multiples cascades dans la direction du lac. Me rapprochant
de la ville, je compris comment elle était bâtie. Il n’y avait au bord du lac
qu’une bande plane fort étroite, et seule une petite partie des maisons ainsi
qu’une église de bonne taille et la place du village, entourée d’échoppes, de
tavernes et de gasts-razna, étaient bâties au niveau de l’eau. Toutes
les autres constructions étaient comme entassées les unes sur les autres,
grimpant le long de la pente abrupte. Point de rues nettement tracées pour les
séparer, mais de minuscules allées, et des escaliers qui permettaient d’y
accéder et d’en redescendre. Les maisons étaient si serrées les unes contre les
autres qu’elles ne pouvaient être qu’étroites, mais elles compensaient en
s’élevant sur deux ou trois étages.
Le village semblait à première vue perché de façon précaire,
pourtant il était là sans nul doute depuis fort longtemps. Toutes ses maisons
étaient de solides bâtisses construites en pierre ou en madriers épais, avec
des toits d’ardoise, de tuiles ou de galets épais. Presque toutes leurs façades
étaient en crépi blanc et brillamment décorées, quelques-unes de dessins
rappelant les enluminures multicolores des manuscrits, d’autres de vignes
vierges en fleurs, quand ce n’était pas tout simplement d’un arbre, taillé avec
art pour qu’il se développe à plat le long des murs et autour de l’encadrement
des portes ou des fenêtres. Sur la place, les quatre becs d’une fontaine
crachaient continûment de l’eau provenant du torrent que nous avions suivi. Aux
rebords des fenêtres de toutes les échoppes, des fleurs égayaient les façades
dans des pots ou des bacs allongés.
Du modeste hameau à la plus grande ville, jamais je n’ai vu
déployer de tels efforts pour rendre l’aspect des habitations aussi gai et
riant. Je suppose que la beauté des environs transportait le cœur de ses
habitants, les poussant à se mettre à l’unisson du paysage magique qui les
entourait. Il faut dire qu’ils avaient de quoi décorer ainsi leurs logements.
L’un des massifs entourant la vallée recélait en effet une gigantesque mine de
sel, la plus vieille du monde, à ce que l’on m’expliqua. On y avait même
retrouvé, paraît-il, des outils primitifs et les corps conservés par le sel
d’hommes sans doute tués par des éboulis en des temps très reculés… des
créatures de petite taille, sortes de skohls
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