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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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amphore apparemment
très lourde. Thiuda et moi la considérâmes avec surprise et une délectation
anticipée, car en ces temps modernes où fûts et tonneaux avaient suppléé aux
usages de jadis, il était devenu rare qu’on servît ainsi le vin d’une véritable
amphore de terre cuite à l’ancienne. De plus, elle n’était pas plate à
l’extrémité mais effilée en pointe, de sorte qu’elle ne pouvait être posée
debout. Nous savions donc qu’elle avait été enfoncée dans un trou du cellier
afin que son contenu puisse mûrir et s’épanouir à loisir, ce qui était la
promesse d’un vin peu commun.
    Nonobstant, lorsque Gros Sac rompit le sceau, introduisit la
louche dans l’amphore et déversa un liquide couleur rubis dans son gobelet,
Thiuda s’empara péremptoirement de la boisson, la renifla avec suspicion, en
but une petite gorgée qu’il fit tourner dans sa bouche, roulant des yeux à
l’unisson. Je crois que si lui et moi n’avions pas été si altérés par le
voyage, il se serait payé le culot de le déclarer impropre à la dégustation, et
aurait demandé qu’une autre amphore fût entamée. Aussi grommela-t-il de
mauvaise grâce :
    — Un honnête petit vin de Falerne. Ça ira.
    Et Gros Sac, reconnaissant, remplit nos deux gobelets.
    Puis, lorsque la nourriture commença d’arriver – on
nous l’amena au galop, à commencer par une soupe chaude de cervelle de veau aux
haricots – je pris soin de l’ignorer jusqu’à ce que Thiuda y eût
cérémonieusement goûté. Ce n’est qu’après une pause pleine d’incertitude qu’il
daigna laisser tomber « tolérable » ou « acceptable », et
même une fois le verdict « satisfaisant », ce qui fit presque danser
Gros Sac d’allégresse. Mais au terme de chacun de ces jeux, Thiuda se jetait
sur les plats et les dévorait aussi voracement que moi.
    Entre les deux plats de résistance, des anguilles du
Danuvius aux herbes et un lièvre braisé en sauce au vin, je fis une pause pour
émettre un renvoi bien dru, reprendre ma respiration et demander à
Thiuda :
    — Dois-tu vraiment repartir si vite, afin de revoir ta
région natale ?
    — Pour ça, ja, mais pas seulement. Il y a
longtemps aussi que je n’ai pas revu mon père. Je descendrai donc ensuite le
Danuvius jusqu’en Mésie, dans la ville de Novae [94] . C’est notre
capitale à nous, les Ostrogoths, et j’espère bien l’y retrouver.
    — Je serai navré de te voir partir.
    —  Vái ! Tu t’es parfaitement remis de ta
morsure de serpent, et te voici établi ici comme un haut personnage du gratin.
Tu seras traité comme tel. Profites-en ! Vindobona est un endroit plaisant
pour passer l’hiver. Pour ma part, je vais dormir cette nuit chez la veuve, et
j’en repartirai tôt, afin que les garçons d’écurie n’aient pas à se réveiller
pour m’amener mon cheval.
    — Dans ce cas laisse-moi te dire maintenant, Thiuda, à
quel point j’ai apprécié ta compagnie. Je te dois la vie. Je sais bien que tu
n’accepteras rien en remerciement, en vrai têtu d’Ostrogoth que tu es, mais
j’espère qu’un jour, j’aurai la chance de te rendre la pareille.
    — Ça me va, répondit-il cordialement. Si tu venais à apprendre
que Babai, le roi des Sarmates, est reparti en maraude, vas-y. Tu me trouveras
en train de lui livrer bataille, et je t’invite de tout cœur à y participer à
mes côtés.
    — Compte sur moi. Tu as ma parole. Huarbodáu mith
gawaírthja.
    — Thags izvis, Thorn, mais tu sais, j’ai soin de
ne jamais demeurer trop longtemps en paix, justement. Pour un guerrier, c’est
une rouille corrosive. Aussi dis-moi plutôt, comme je te le souhaite :
«  Huarbodáu mith blotha. »
    —  Mith blotha, répétai-je en écho. Et je levai mon
gobelet pour le saluer, de ce vin couleur de sang.
     
    *
     
    Je passai effectivement à Vindobona le restant de l’hiver,
et même un peu plus longtemps, car il y a dans cette cité tout ce qu’il faut
pour distraire une personne… ou devrais-je dire, une « personnalité »
ayant les moyens de s’offrir les distractions disponibles, et de là mériter
d’être invité à en profiter.
    Ne possédant rien de la fortune que je faisais semblant
d’avoir, je me contentai donc de faire semblant. Je maintins l’attitude
hautaine adoptée à mon arrivée, agissant comme si la plupart des gens étaient
mes inférieurs, ce qui les faisait s’incliner et ramper avec déférence devant
moi comme

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