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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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leurs couleurs naturelles, que ce
soit le blanc, le chamois, le brun foncé, ou autre.
    Le sartor frappa dans ses mains, positivement
enchanté.
    —  Euax ! [100] Voilà
enfin un homme de goût ! Je comprends votre point de vue, illustrissimus. La nature n’a pas voulu que ces étoffes soient voyantes, aussi pourquoi
celui qui les porte la contrarierait-il ? Selon moi, la simplicité même de
cette tenue vous distinguera dans n’importe quelle compagnie, plus sûrement que
toutes les couleurs d’un paon.
    Je le soupçonnai à moitié de n’être ici que dans la basse
flatterie, mais il s’avéra que ce n’était pas le cas. Quand je fus amené, plus
tard, à porter ces vêtements aux réunions auxquelles j’avais été invité,
plusieurs éminentes et intelligentes personnalités, bien plus habituées que moi
aux usages du grand monde, me complimentèrent sincèrement du bon goût de mes
tenues.
    Ce petit épisode en compagnie du sartor m’enseigna
une bonne leçon : il est toujours profitable de se taire, confronté à un
sujet que l’on est censé connaître, mais dont on ne sait rien. En ne pipant
mot, on ne risque pas de se trahir en laissant transparaître de façon
embarrassante son inexpérience. Il suffit simplement de garder le silence assez
longtemps pour que quelqu’un, ou quelque chose, vous révèle au bon moment ce
qu’il vous fallait savoir.
    En toute occasion, lorsque je gardais un prudent silence,
masquant mon ignorance derrière un apparent dédain pour la conversation, je
n’évitais pas seulement de passer pour un idiot ; les autres me prenaient
souvent pour plus sage que je n’étais. Un soir, au terme d’un fastueux dîner
pris dans le triclinium du vieux et imposant préfet de Vindobona,
Maecius, les femmes s’étaient retirées, et nous nous trouvions engagés, tous
les hommes restants, dans une bonne séance de beuverie, quand un messager fit
irruption et tendit discrètement quelque chose à notre hôte. Le préfet y jeta
un œil, puis toussa pour demander l’attention. Chacun cessa de converser et se
tourna vers lui.
    Maecius annonça d’une voix solennelle :
    — Amis, camarades citoyens de Rome, je dois vous
annoncer une stupéfiante nouvelle. Ce message vient de m’être relayé par mes
agents à Ravenne, et je vous apprends donc la nouvelle avant même qu’elle ne
soit rendue officielle. Il semble qu’Olybrius soit mort [101] .
    Il y eut un concert d’exclamations horrifiées :
    — Quoi ? Olybrius à son tour, maintenant ?
    — Comment est-il mort ?
    — Un assassinat, un de plus ?
    Je ne m’écriai pas, comme je l’aurais fait naguère :
« Diable, mais qui est donc cet Olybrius ? » Je reniflai
simplement d’un air indifférent, et repris une gorgée de vin.
    — Il ne s’agit pas d’un assassinat, cette fois, dit
Maecius. L’empereur est mort d’un œdème.
    Un grondement de murmures accueillit cette précision.
    — C’est tout de même un soulagement que de le savoir…
    — Mais fichtre, quelle sorte de mort plébéienne, pour
un empereur !
    — Ça laisse rêveur. Que va-t-il se passer, à
présent ?
    Je ne lançai pas étourdiment, comme je l’eusse fait
jadis : « Je croyais, moi, qu’Anthemius était l’empereur de
Rome ! » Non, je m’accordai juste une nouvelle et copieuse rasade de
vin.
    Le préfet fit écho à cette question d’un invité :
    — Ce qui va se passer ? Eh bien… je suggère que
vous le demandiez à l’illustre jeune Tornaricus ici présent, bien que je doute
fort qu’il daigne vous répondre. Regardez-le, mes amis. C’est le seul parmi
nous qui n’ait pas l’air surpris, et soit resté impavide à cette nouvelle.
    Tout le monde dans le triclinium se tourna vers moi.
Je ne pus que les regarder d’un air légèrement narquois. Un éclat de rire ou
même un sourire n’auraient pas été de mise, mais je n’allais pas non plus
éclater en sanglots.
    — Avez-vous déjà vu plus innocente contenance ?
demanda Maecius à la cantonade, comme prenant tout le monde à témoin. Vous
voulez que je vous dise ? Ce jeune homme assis devant nous possède un
savoir secret.
    Mais il semblait en disant cela plus admiratif qu’autre
chose, ainsi que tous ceux qui me dévisageaient.
    Le préfet poursuivit :
    — Voyez-vous cela ! Je suis le responsable de
cette préfecture, nommé à ce poste par l’Empire en personne, et qu’est-ce que
je sais ? Seulement qu’en juillet dernier,

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