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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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si cette situation les comblait. Mais j’autorisai tout de même à se
relever ceux jouissant approximativement du même statut que celui dont je me
prévalais. Je me laissai donc aller à être presque sociable avec un petit
nombre de mes invités au deversorium, ce qui semblait les flatter et les
honorer au plus haut point. Ils me présentèrent à leurs relations les plus haut
placées dans la ville, lesquelles me présentèrent à d’autres. Je finis par être
invité dans toutes les résidences les plus huppées de Vindobona, assistant à
d’intimes réunions de famille chez les plus éminents citoyens, aussi bien qu’à
de grandes fêtes ou de sophistiqués festivals comme il s’en donnait ici chaque
hiver, me faisant de multiples amis parmi les notables de la cité.
    Si difficile à croire que cela puisse paraître, durant tout
le temps que je passai à Vindobona, pas une seule personne, pas même ceux
devenus mes amis, ne me demanda jamais quel était exactement mon statut, ma
distinction, mon titre précis ou ma lignée, enfin, d’où j’avais pu acquérir mon
ostensible fortune. Mes proches m’appelaient familièrement « Thorn »,
quant aux autres ils me saluaient du titre plus formel de «  clarissimus  »,
ou de l’équivalent gotique «  liudaheins  ».
    Je dois préciser que je n’étais pas le seul, dans ces
différents cercles, à affecter une pose. Beaucoup d’autres, y compris ceux de
lignée germanique, avaient adopté les manières des Romains jusqu’à ne pas
pouvoir – du moins le prétendaient-ils – prononcer correctement la
rune gotique « thorn », pas plus que les runes alliant le
« k » et le « h ». Ils prenaient donc grand soin d’éviter
les sons « th » et « kh », énonçant toujours mon nom à la
mode romaine, Torn ou Tornaricus.
    Je me hâte de dire que, tout en continuant mon imposture et
acceptant d’être considéré avec la valeur que je m’étais moi-même octroyée,
jamais je n’utilisai ma position pour flouer quiconque. Je payai même,
contrairement aux recommandations de Thiuda, le propriétaire du deversorium à intervalles réguliers, lui versant rubis sur l’ongle ce que je lui devais.
Par la même occasion, j’avais cessé de lui donner du « Gros Sac », et
l’appelais désormais tout simplement Amalric. Ces concessions m’en firent, on
s’en doute, un ami de plus, et il me donna d’utiles conseils pour me faire
accepter comme un alter ego par les plus influentes familles de
Vindobona.
    Assez vite, je décidai d’endosser le costume du rôle que je
jouais. Je fis savoir à Amalric que bien que je me satisfasse de voyager sans
ostentation, juste vêtu à la campagnarde, je souhaitais à présent embellir un
peu ma garde-robe, et je lui demandai de m’indiquer où je pourrais trouver en
ville les tailleurs, les cordonniers et les joailliers les plus raffinés de la
place.
    —  Akh , Votre Sérénité ! s’exclama-t-il. Un
homme de votre rang ne va pas à eux  ; ce sont eux qui viennent à
vous. Permettez-moi de les convoquer ici. Soyez sûr que je sélectionnerai pour
vous la crème de ceux qui fournissent le légat, le préfet, et tous les autres liudaheins de la noblesse locale.
    Dès le lendemain, un sartor [95] vint
directement dans ma chambre pour prendre mes mesures, accompagné de ses
assistants. Ils me présentèrent un grand choix de tissus et motifs divers. Il y
avait là des cotons grecs de Kos, de purs lins de Camaracum [96] , des laines
de Mutina [97] , de la gaze translucide de l’éponyme Gaza, et une
étoffe incroyablement fine, douce et presque fluide que je n’avais jamais vue.
    — De la soie, m’expliqua le sartor. Elle est
filée et tissée par les Seres. On m’a dit qu’ils la fabriquaient à
partir d’une toison, une sorte de duvet qu’ils récupèrent à l’aide de peignes
sur les feuilles d’un arbre ne poussant que là-bas. Je ne sais même pas
exactement où se trouvent leurs terres, mais je sais que c’est loin vers
l’Orient. Ce textile est si rare et précieux que seuls des gens riches comme
vous-même, illustrissimus, peuvent espérer se le payer.
    Il me donna alors son prix, non pas pour trois pieds, ni
même pour un, mais pour une uncia, un douzième de pied. Lorsqu’il énonça
la somme, je fis de mon mieux pour ne pas paraître assommé, mais je
songeai : «  Iésus, des fils d’or tissés entre eux coûteraient
moins cher. » J’étais bien placé pour savoir que

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