Thorn le prédateur
qu’il
faudrait que je lui trouve un médecin dès notre arrivée.
La muraille dont nous approchions était bien sûr celle bâtie
sur l’ordre de Théodose II. Le mur d’origine, édifié par le fondateur de
la cité, englobait cinq des collines du promontoire byzantin. On avait dans un
premier temps jugé cette extension largement exagérée, cette surface excédant
celle des plus vastes cités existantes. Mais elle s’avéra en fait insuffisante,
puisque durant son seul règne, la Nouvelle Rome s’agrandit au-delà de ce mur.
Comme l’ancienne Rome, Constantinople englobe à présent sept collines.
Le mur de Théodose, construit plus tard, isolait totalement
la ville du reste du continent européen, et il s’agit probablement de la plus
formidable protection jamais bâtie autour d’une cité. S’étendant sur trois
milles romains [140] entre les eaux situées de part et
d’autre du promontoire, il est en fait composé de deux murs séparés de vingt
pas et précédé d’un large fossé, lui-même bordé d’un parapet en maçonnerie. Les
murs en question mesurent cinq fois la hauteur d’un homme, et sont hérissés de
quatre-vingt-seize tours encore plus élevées. Celles-ci sont alternativement
rondes et carrées, et les murs qui les relient sont bâtis en zigzags, afin de
permettre aux soldats en charge de la surveillance des fortifications d’en
assurer une défense concertée.
Je vis alors tous les usagers de la Via Egnatia, des piétons
aux bergers avec leurs troupeaux en passant par les cavaliers, cochers et
conducteurs de charrettes, y compris les voitures attelées de ce qui semblait
être d’importants personnages, s’écarter de part et d’autre de la route, pour
faire place à une procession venue de l’intérieur de la ville. Daila
m’interrogea du regard, et je secouai négativement la tête :
— Ne, Optio. Nous sommes des Ostrogoths et des
députés royaux, non des Grecs ou des chiens. Nous ne dévierons pas notre
marche, au moins jusqu’à ce que nous sachions qui s’approche.
J’avais raison de tenir ferme sur nos positions, car aucun
danger ne nous menaçait : il s’avéra qu’il s’agissait d’une délégation
impériale venue à notre rencontre pour nous accueillir. La colonne était
composée de cavaliers splendidement caparaçonnés. Leur chef, le plus âgé et le
mieux habillé de tous, leva la main pour nous saluer, et ses premiers mots,
bien que cordiaux, m’éberluèrent.
— Khaîre, Presbeutés Akantha !
Ce qui voulait tout simplement dire en grec :
« Salut, Ambassadeur Thorn ! »
Il était déjà assez étrange en soi qu’il connaisse mon nom.
Mais ce qu’il dit ensuite me stupéfia encore davantage :
— Basileús Zeno éthe par ámmi philéseai !
Cette phrase signifiait en effet : « L’empereur
Zénon vous souhaite la bienvenue ! »
Cette fois encore, j’eus la présence d’esprit de ne pas
m’exclamer étourdiment quelque chose du genre : « Zénon ? Mais
de qui s’agit-il donc ? C’est Léon que je suis venu
voir ! »
Je dus cependant demeurer muet de surprise, car l’homme
continua :
— L’empereur Zénon vous fait porter ces cadeaux en
signe d’amitié.
Il fit alors signe de s’avancer à deux serviteurs lourdement
chargés qui chevauchaient derrière lui. Je commandai à mes deux archers de
réceptionner les cadeaux en question, et repris une contenance suffisante pour
dire :
— Théodoric, roi des Ostrogoths, salue en retour son
cousin Zénon. Nous apportons nous aussi des présents amicaux.
— Je vois que vous venez également avec la sœur du roi,
fit observer l’homme, saluant notre escorte tout en avançant vers la carruca. Je suis Myros, le grand chambellan du palais, l’ oikonómos de
l’empereur. Me ferez-vous l’honneur de vous escorter ? Des appartements
vous ont été réservés, à vous et à la princesse Amalamena, ainsi qu’à vos
serviteurs. Quant à votre escorte, elle sera logée dans des quartiers adéquats.
Du geste, je proposai au chambellan de chevaucher à mes
côtés, et nos deux colonnes se mélangèrent tandis que nous prenions la
direction de la ville. En cours de route, ayant juste l’air de converser par
courtoisie, mais en réalité désireux de m’informer, je fis remarquer à mon
nouveau compagnon :
— Je ne suis pas encore bien vieux, Oikonómos Myros, mais si je devais énumérer les empereurs d’Orient et d’Occident ayant
régné de mon
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