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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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chacun des
appétits humains ordinaires, en reniant une moitié entière de la nature que
Dieu m’a donnée.
    L’abbé fronça les sourcils et trancha d’une voix
sévère :
    — Tout ce qui est possible à un chrétien doit être
obligatoire. Il est possible à un chrétien d’être parfait ; il est donc
obligatoire qu’il s’efforce de l’être. Moralement, spirituellement, et même
physiquement. S’il persiste dans l’imperfection, qu’il soit un homme, une
femme, ou même un monstre, comme tu t’es toi-même qualifié tout à l’heure, cela
constituera une imperfection volontaire, donc répréhensible, et par conséquent
condamnable.
    Je le couvai d’un regard noir, frappé d’horreur, et
articulai finalement :
    — Vous acceptez de croire à l’immaculée conception, Nonnus Clément. Vous croyez en la résurrection des morts. Vous croyez aussi que
les anges ne sont ni mâles, ni femelles. Et dès qu’il s’agit de moi, vous me
trouvez à la fois anormal et blâmable ?
    —  Slaváith, Thorn ! Tu bascules dans le
blasphème. Comment oses-tu te comparer aux anges du Seigneur ?
    Il lutta pour surmonter son accès de rage, et un instant
après, prononça plus calmement, mais d’une voix frémissante :
    — Ne nous séparons pas sur une note aussi amère, mon
enfant. Nous sommes amis depuis trop longtemps. Je t’ai donné le conseil le
plus amical que je pouvais. À présent, en gage de mon amitié, garde ce solidus d’argent. Il te permettra de te payer le gîte et le couvert pendant au moins un
mois. Prends bien garde à toi, et éloigne-toi le plus possible de ces lieux, où
tu es connu, avant de te lancer dans une nouvelle vie. Libre à toi d’opter pour
celle que je t’ai conseillée, ou d’en choisir une autre. Je prierai pour que
Dieu te protège, et ne t’abandonne jamais. Vade in pace. Huarbodáu mith
gawaírthja. Que la paix soit sur ton chemin !
     
    *
     
    Ainsi pris-je congé de Dom Clément. Tous deux avions le cœur
lourd, et jamais je ne le revis. Je ne quittai pas pour autant sur-le-champ le Balsan
Hrinkhen, comme on m’en avait sommé, car j’avais auparavant quelques
affaires à régler. La première fut d’aller récupérer mon juika-bloth dans son grenier à foin de Sainte-Pélagie. Cette même nuit, je me glissai donc
par effraction dans l’abbaye, comme je l’avais déjà si souvent fait.
Connaissant les lieux par cœur, je n’eus même pas besoin d’allumer une
chandelle pour grimper à l’échelle menant au grenier. Je tâtonnais dans la
paille en direction de la cage en osier quand une voix féminine cria :
« Qui est là ? », et mes cheveux se dressèrent sur ma tête.
    Mais je reconnus cette voix, et ma chevelure dut reprendre
sa forme antérieure.
    — C’est moi… Thorn. Est-ce toi, Sœur Tilde ?
    —  Ja. C’est vraiment toi, Sœur Thorn ? Ou
plutôt… Frère Thorn, n’est-ce pas, à présent ? Oh, vái, s’il te
plaît, mon frère, ne me viole pas !
    — Chut ! petite sœur. Baisse la voix. Jamais je
n’ai violé quiconque, et jamais je ne le ferai… Encore moins une amie proche.
Mais que fais-tu donc là, à cette heure-ci ?
    — Je suis venue voir si ton oiseau avait de quoi boire
et de quoi manger. Alors c’est bien vrai, Thorn, ce que l’on nous a
raconté ? Que tu as toujours été un… garçon ? Pourquoi t’es-tu fait
passer parmi nous pour une… ?
    — Chut ! intimai-je de nouveau. C’est une longue
histoire, que je ne saisis même pas encore totalement moi-même. Mais toi,
comment as-tu su que mon oiseau se trouvait là ?
    — C’est Sœur Deidamia qui me l’a dit. Pendant qu’elle
pouvait encore parler. Elle m’a demandé de m’en occuper. Tu es venu le
reprendre ?
    —  Ja. C’est vraiment gentil à vous d’avoir pensé
à son bien-être. Mais que veux-tu dire, Tilde, par : « pendant
qu’elle pouvait encore parler » ?
    Elle émit un gémissement et répondit :
    — Je pense que quelque chose s’est définitivement brisé
en elle. Mère Aethera l’a fouettée avec la dernière férocité de son horrible
nerf de bœuf, à plusieurs reprises au cours de la journée. Dès qu’elle
reprenait conscience, les coups pleuvaient de nouveau.
    — Mais c’est atroce ! m’écriai-je, grinçant des
dents. La vieille truie s’est aperçue qu’elle avait laissé passer l’occasion de
s’en prendre à moi. Elle est en train de faire payer Deidamia pour nous deux…
    Tilde renifla et

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