Thorn le prédateur
prévenir de votre arrivée. Non seulement le légat autorise ta venue, vieux
Wyrd, mais il a exprimé son immense satisfaction de ta visite, et demande à te
voir à l’instant.
— Vái ! Calidius le parfumé ne tiendrait
certainement pas à me recevoir dans ce piètre appareil. Tu as dû me sentir
arriver, Paccius, avant même de condescendre à ouvrir le portail. Je vais me
baigner. Viens, gamin.
— Siste ! cracha Paccius, avant que Wyrd
eût fait trois pas. Quand le légat dit de venir, cela veut dire tout de suite.
Wyrd le considéra d’un regard noir.
— Tu es un soldat, sous commandement de ton supérieur
hiérarchique. Quant à moi, je suis un citoyen libre.
— Le jus belli [41] a été
proclamé. En conséquence, sous la loi martiale, tu es également tenu, en tant
que citoyen, d’obéir aux ordres. Mais si nécessaire, vieil homme entêté,
Calidius veut bien te prier de venir le rejoindre. Quand tu te seras
entretenu avec lui, tu verras que je n’exagère rien.
— Akh, très bien, soupira Wyrd, l’air impatient.
Mais d’abord, au moins, indique-nous un endroit où nous puissions déposer nos
bagages.
— Venite, répondit Paccius, et il nous montra le
chemin. Presque tous nos logements sont actuellement encombrés de civils.
Calidius a ordonné qu’on héberge ici les habitants du voisinage, ainsi que tout
nouvel arrivant à Basilea. En fait, tous ceux qui ne peuvent bénéficier d’un
hébergement dans les cabanae proches de la garnison. Nous jouons même
les hôtes pour un marchand d’esclaves syrien, et toute sa cohorte de
charismatiques enchaînés ! Mais je vais vous trouver ce qu’il faut. Quitte
à congédier le Syrien, si nécessaire.
— Mais pourquoi ce remue-ménage ? demanda Wyrd. En
ville, là-bas, le caupo [42] Dylas, que tu connais, Paccius, m’a
parlé de Huns, mais il doit être dérangé. Vous n’avez tout de même pas à
craindre une attaque de Huns ?
— Une attaque, peut-être pas, mais une visite de temps
à autre, oui…, répliqua le signifer embarrassé. Et il ne se présente
qu’un seul Hun à chaque fois. Si le légat a décidé de cloîtrer l’ensemble de la
population, c’est qu’il désire que ce visiteur ne communique qu’avec lui.
Ainsi, nul de risquera de l’effrayer lorsqu’il va et vient, et personne ne sera
non plus tenté de remonter sa piste jusqu’à son repaire.
Wyrd demeurait immobile, abasourdi.
— Tout le monde est-il devenu fou, à Basilea ?
Vous avez laissé un de ces infects Huns musarder tranquillement jusqu’ici, et
en ressortir indemne ? Sans même le renvoyer la tête sous son bras ?
— Je t’en prie, implora Paccius d’un ton presque
honteux. Laisse le légat t’expliquer. Voici ton billet d’admission auprès de
lui.
Le long baraquement en planches était bordé d’une galerie
extérieure abritée sous piliers, où déambulaient des soldats sans doute
déchargés de service, venus prendre l’air. Le bâtiment lui-même était percé de
douze portes et à côté de chacune d’entre elles, encastrée dans le sol du
portique, se trouvait une petite boîte à ordures munie d’un couvercle. Paccius
nous fit franchir une de ces portes, et je découvris là l’un des meilleurs
logements qui m’ait été proposé de toute ma vie. Cette chambre avait beau être
une simple pièce en bois brut, sans décoration d’aucune sorte, elle offrait
huit paillasses, dont aucune posée au sol. Toutes étaient surélevées sur des
châssis tenus par de petites… jambes, de sorte qu’il eût fallu une vermine
particulièrement énergique pour s’y hisser. Au pied de chaque lit se trouvait
un coffre pour que l’occupant puisse y laisser ses affaires, et celui-ci
pouvait être fermé afin de le garantir des vols. Face aux lits se trouvait une
alcôve munie d’une étagère sur laquelle étaient posés un savon et une aiguière
d’eau, tandis que le sol était percé d’une ouverture servant de latrines, non
pas dévolue aux habitants de tout le bâtiment, mais réservée aux seuls
occupants de la chambre.
Quand nous entrâmes tous les trois, les lits étaient déjà
tous occupés. Sur l’un d’eux était assis un homme à barbe noire, au nez crochu
et à la peau sombre, vêtu d’une robe de voyage en grosse laine. Sur les autres
étaient installés de jeunes garçons, âgés de cinq à dix ans, attachés par les
chevilles à une même chaîne, en haillons et l’air morose.
— Foedissimus
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