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Thorn le prédateur

Thorn le prédateur

Titel: Thorn le prédateur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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partie découpée avant de la porter
à la bouche – et son maniement me valut de fébriles tâtonnements.
    Je prenais tant de peine à affecter le naturel dans cette
position que je mangeais lentement, mais ma voracité n’en était pas moindre
pour autant. J’aurais eu suffisamment faim, au terme de ce bain revigorant,
pour dévorer ma peau de mouton. Mais la nourriture qu’on nous apporta était,
cela va sans dire, bien plus raffinée que celle du cenaculum des
soldats, et d’une élégance de présentation supérieure à tout ce que j’avais vu
jusqu’alors.
    — Je suis désolé pour le vin, s’excusa le légat,
remplissant notre timbale à chacun. Ce n’est qu’un cru de Formia très
ordinaire. J’aurais préféré pour boire au succès de ton projet, Uiridus,
trinquer avec toi d’un vin fin de Campanie ou d’un muscat de Lesbos.
    Wyrd fit la grimace, car non seulement le vin était coupé
d’eau, mais son arôme avait été relevé de résine, ce qui ne m’empêcha pas de le
trouver personnellement tout à fait supportable.
    Le repas débuta par une purée de noisettes et de lentilles,
qui fut suivie du plat de résistance, un jambon en croûte coupé en tranches
dans une garniture de figues cuites. Le plat l’accompagnant proposait des
betteraves et des poireaux marinés au vin, relevés à l’huile et au vinaigre. Un
autre offrait pour sa part de longs filets de pâte cuite parfumés à l’ail, dont
l’ingestion fut pour moi un exercice particulièrement délicat. En effet,
l’instrument à deux dents était destiné, je le vis en regardant faire mes deux
compagnons, à rouler lesdites cordes en paquets de la taille d’une bouchée,
avant de les porter à la bouche. Pourtant, même pratiquement collé au plat, je
n’y parvenais que très imparfaitement. Heureusement pour ma prétention à
conserver une relative prestance, le dîner se conclut par des douceurs plus
aisées à déguster, légers gâteaux au fromage garnis de prunes de Damas
confites, accompagnés de minuscules tasses d’un vin de violette.
    Tandis que nous mangions, un serviteur vint prévenir que le signifer Paccius se trouvait là, et le légat le fit entrer. Il était accompagné du petit
charismatique, maintenant entièrement habillé, et d’apparence plus cossue
encore que les enfants croisés à Vesontio. Son costume rappelait en miniature
l’habit d’intérieur habituellement porté par le légat, mais en plus richement
coloré. Il était vêtu d’une tunique de lin bleu pâle finement ajustée d’un
modèle appelé alicula, brodée de fleurs tout le long de l’ourlet, ses
jambes étaient couvertes de bas en coton, et il avait aux pieds des cothurnes
d’un cuir jaune d’or assorti à sa nouvelle coiffure. Jetée de façon désinvolte
sur l’ alicula, une cape de riche laine rouge tenait à son épaule par une
broche d’argent.
    Le légat demeura immobile, tout en continuant de mâcher,
tandis qu’il inspectait l’enfant dans l’attitude d’un bœuf ruminant. Ensuite,
il se contenta d’un hochement de tête d’approbation, et invita Paccius à se
retirer. Ce n’est que lorsqu’ils eurent disparu qu’il avala bruyamment et que
dans un soupir, il nous confia, avec une visible émotion :
    — J’ai presque cru revoir mon petit-fils disparu.
    — Dans ce cas, pourquoi ne pas le garder ? ironisa
Wyrd, impitoyable. Au lieu de me faire courir un mortel danger pour ton
véritable petit-fils.
    — Pardon ?! bredouilla le légat consterné. Tu
voudrais que je garde un eunuque à la place de…
    Il comprit alors la plaisanterie.
    — Tu n’es vraiment pas drôle, Uiridus. Mais puisque le
sujet s’invite, dis-moi : comment vas-tu t’y prendre pour cette substitution ?
    — Je te l’ai déjà dit, râla Wyrd. Je l’ignore. Il faut
que j’y réfléchisse. Et c’est le genre de chose que je déteste faire en
mangeant. Cela trouble à la fois le plaisir de l’instant et la digestion à
venir.
    — Mais c’est une chose qui doit se préparer, il te faut
bien élaborer des plans ! Le Hun sera là d’ici quelques heures. Sais-tu au
moins combien d’hommes tu vas prendre avec toi ?
    — Je sais qu’il me faudra une paire de mains pour
m’aider. Mais jamais je ne demanderai à quelqu’un d’être candidat volontaire au
suicide.
    Une fois encore, j’eus l’audace d’intervenir.
    — La question ne se pose même pas, fráuja. Je
veux dire : magister. Je suis votre apprenti, en cette

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