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Titus

Titus

Titel: Titus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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sais, pour les terres ? m’a demandé Josèphe.
    Il n’a pas attendu ma réponse. Il a récité :
    — « Ainsi parle le Seigneur : de même que j’ai suscité à ce peuple tout ce grand malheur, je lui susciterai tout le bonheur que je lui annonce. Et l’on achètera des champs dans ce pays ravagé… De nouveau on entendra dans les villes de Judée et dans les rues de Jérusalem, qui sont dévastées, sans hommes, sans habitants, sans animaux, des accents d’allégresse et des cris de joie, la voix du fiancé et la voix de la fiancée… Car je ramènerai les exilés de ce pays comme ils y étaient jadis, dit le Seigneur. »
    Je l’ai regardé. Flavius Josèphe paraissait apaisé, serein.
    — Ainsi parlait Jérémie, notre prophète. Et je parle de même, a-t-il ajouté.
    J’ai pensé qu’il appartenait à un peuple qui, vaincu, restait indestructible.
     
35
    J’ai pourtant vu, durant cet hiver, au fil des mois qui suivirent la destruction du Temple, le sang juif couler encore chaque jour.
    J’avais quitté les ruines de Jérusalem avec les légions et chevauchais près de Titus vers Césarée Maritime et Césarée de Philippe, Béryte et Antioche.
    Lorsque je me retournais, j’apercevais, marchant enchaînés, fouettés, les milliers de prisonniers juifs dont Titus voulait offrir le supplice aux populations de ces villes qui dressaient des arcs de triomphe pour l’accueillir et célébrer sa victoire.
    Je regardais à la dérobée Flavius Josèphe qui se trouvait non loin de moi mais qui ne se retournait jamais, comme s’il avait refusé de voir les corps des hommes et des femmes de son peuple martyrisés, abandonnés dans le désert, agonisants, livrés pantelants aux hyènes et aux chacals.
    Il semblait insensible aux cris de haine et aux pierres qui s’abattaient sur les prisonniers quand nous entrions dans les villes. Les Syriens et les Grecs qui les peuplaient demandaient à Titus qu’on les débarrassât des Juifs, que Rome, la grande, la glorieuse, la puissante Rome profitât de sa victoire pour en finir une bonne fois avec un peuple jalousé et abhorré.
    J’ai entendu les habitants d’Antioche réclamer le droit d’expulser leurs Juifs, ceux qu’ils n’avaient pas déjà tués, et de briser les tablettes de bronze sur lesquelles étaient gravés les droits que Rome avaient accordés aux Juifs. Cette foule furieuse réclamait que les Juifs ne fussent plus que des grains de sable emportés par le vent, contraints de renoncer à leurs rites, au shabbat, à leur dieu.
    Titus a écouté ces malédictions, ces vœux, ces accusations, puis il a levé la main et exigé le silence.
    — La patrie des Juifs, où il faudrait les renvoyer, a été détruite, et aucun autre territoire ne pourra les recevoir.
    Il refusait donc qu’on les chassât de Césarée, de Béryte ou d’Antioche, mais il offrait aux populations déçues ces prisonniers juifs dont les corps déjà ensanglantés étaient poussés dans l’arène.
     
    Je n’ai pas voulu savoir si Flavius Josèphe était assis parmi les tribuns qui entouraient Titus sur les gradins de l’amphithéâtre de l’une ou l’autre de ces villes.
    Mais je me souviens de ces milliers de Juifs livrés aux bêtes fauves, à Césarée de Philippe, le 24 octobre, jour anniversaire de la naissance de Domitien, le jeune frère de Titus.
    J’entends encore les cris et les acclamations de la foule qui se dressait à chaque fois qu’un fauve, d’un coup de patte, lacérait le corps d’un Juif.
    À Béryte, le 27 décembre, jour anniversaire de la naissance de Vespasien, j’ai vu des milliers de prisonniers contraints de s’affronter, de s’entretuer, puis les survivants livrés aux flammes, et la lueur des corps transformés en torches éclairer la nuit glacée.
    Les bourreaux inventaient chaque jour de nouveaux supplices, écorchant ici, dépeçant là, contraignant les prisonniers à s’accoupler puis à s’entredévorer.
     
    J’ai plusieurs fois fermé les yeux. Et lorsque je retrouvais Léda je n’osais plus la toucher, comme si j’avais enfin compris qu’à vouloir la prendre, la soumettre à mon désir, je n’avais été que l’un de ces bourreaux suppliciant à sa manière un vaincu.
    Je lui parlais en sachant qu’elle ne me regarderait pas, qu’elle ne me répondrait pas. Car, depuis que je me l’étais appropriée, elle n’avait pas prononcé un seul mot. Et son mutisme m’exaspérait. Parfois je me jetais sur elle,

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