Titus
et les rebelles qui s’y terraient, en extraire les trésors qu’ils contenaient.
On tuait. On laissait mourir des milliers de prisonniers que la faim et la soif terrassaient, mais certains refusaient la nourriture que quelques soldats, pris de pitié, leur apportaient.
Dans une cour du Sanctuaire, un espace entouré de ruines, on avait regroupé les sept cents plus beaux jeunes gens qui devaient partir pour Rome afin de défiler, chargés de chaînes, devant la plèbe, lors du triomphe qui célébrerait la victoire de l’empereur Vespasien et de son fils Titus sur la Judée désormais captive.
Les chefs de la rébellion n’étaient plus que deux corps entravés destinés eux aussi à prendre part au triomphe à Rome.
J’ai vu ce Simon Bar Gioras et ce Jean de Gischala, liés par des chaînes si lourdes qu’ils pouvaient à peine bouger les épaules et la tête. Ils étaient la part humaine d’un butin qui s’entassait, gardé par des soldats.
J’ai vu Flavius Josèphe pleurer en apercevant les vêtements sacerdotaux, les tissus sacrés, les livres, et cet immense chandelier à sept branches, symbole de l’union du peuple juif et de son dieu, qui serait désormais exposé dans un temple de Rome afin que chaque citoyen sache que rien, pas même le dieu unique des Juifs, ne pouvait protéger un peuple rebelle de la puissance romaine.
Cette puissance, je la voyais déployée devant moi, incarnée par les soldats des légions réunis face à la tribune sur laquelle je me trouvais aux côtés de Flavius Josèphe, à quelques pas de Titus qui, entouré de ses officiers, allait distribuer ses récompenses aux plus valeureux.
À cet instant-là, je me suis senti fier d’être romain.
Je me suis tourné vers Flavius Josèphe, essayant de deviner ce qu’il ressentait, lui qui avait été l’un des chefs militaires, l’un des prêtres de ce peuple dont on célébrait l’écrasement, le châtiment.
Et déjà étaient frappées des pièces représentant la Judée captive et enchaînée sous un palmier, gardée par un soldat romain.
Titus remercia les troupes pour leur obéissance, leur patience, leur ténacité, leur courage.
Quand il eut terminé, les tribuns commencèrent à lire les noms des légionnaires auxquels Titus allait remettre une couronne ou des colliers d’or, de petites lances et des enseignes en argent, des pièces d’or et d’argent, des vêtements et d’autres objets du butin.
Je vis s’avancer ces hommes en armes. En recevant leurs récompenses, ils semblaient émus par l’élan avec lequel Titus les accueillait.
Puis celui-ci récita des prières et descendit de la tribune au milieu des acclamations.
Des autels avaient été dressés, près desquels étaient parqués des dizaines de bœufs qui devaient être sacrifiés pour honorer les dieux.
Titus dégaina son glaive et on lui amena le premier animal, qu’il égorgea. La bête s’effondra, le sang noir jaillissant sur lui. Il immola ainsi tous les bœufs, puis les offrit à l’armée pour que fut dignement célébrée la victoire.
J’ai participé à ces fêtes qui durèrent trois jours.
J’étais romain, vainqueur, je jouissais de Léda Ben Zacchari quand je rentrais dans ma tente au milieu de la nuit, un peu ivre.
Un matin, en me réveillant, j’ai découvert Flavius Josèphe.
Il contemplait Léda accroupie au pied du lit. Elle avait les yeux ouverts et j’ai lu dans son regard un tel désespoir que j’ai eu honte de faire partie du peuple vainqueur.
J’ai entraîné Josèphe hors de la tente.
— Dieu seul sait ce que valent les hommes, a-t-il murmuré. Je ne te juge pas, et toi agis de même.
J’avais appris que Titus lui avait offert, en échange de terrains que sa famille possédait dans Jérusalem, un grand domaine dans la plaine de Judée.
On avait murmuré dans l’entourage de Titus. On avait aussi appris qu’il ferait partie du voyage. Que Titus allait entreprendre un périple afin de visiter les villes de Césarée Maritime et de Césarée de Philippe, de Béryte et d’Antioche, et d’aucuns s’étonnaient que le vainqueur des Juifs s’entourât de Juifs comme Josèphe, comme Agrippa ou même Tibère Alexandre. L’on ajoutait qu’il était sous l’influence de sa concubine, la reine Bérénice. Et voici maintenant qu’il distribuait à ce Juif, Falvius Josèphe, des terres faisant partie d’une province que les légions avaient eu tant de peine à soumettre !
— Tu
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