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Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
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belles de notre temps, mais bientôt j’en fus honteux, et j’y renonçais, voyant que la simplicité de la jeune fille l’empêchait de comprendre ce que vous autres, mesdames, je le vois à votre sourire, vous avez deviné à demi-mot.
    J’étais là, devant elle, ne sachant que lui dire, quand tout à coup, je la vis tressaillir et fixer sur la fenêtre un regard de terreur. Je suivis la direction de ses yeux et je vis distinctement la figure immobile de Gorcha qui nous observait du dehors.
    Au même instant, je sentis une lourde main se poser sur mon épaule. Je me retournai. C’était Georges.
    — Que faites-vous ici ? me demanda-t-il.
    Déconcerté par cette brusque apostrophe, je lui montrai son père qui nous regardait par la fenêtre et qui disparut sitôt que Georges l’aperçut.
    — J’avais entendu le vieux et j’étais venu prévenir votre sœur, lui dis-je.
    Georges me regarda comme s’il eût voulu lire au fond de mon âme. Puis il me prit par le bras, me conduisit dans ma chambre et s’en alla sans proférer une parole.
    Le lendemain, la famille était réunie devant la porte de la maison autour d’une table chargée de laitage.
    — Où est l’enfant ? dit Georges.
    — Il est dans la cour, répondit sa mère, il joue tout seul à son jeu favori et s’imagine combattre les Turcs.
    À peine avait-elle prononcé ces mots qu’à notre extrême surprise nous vîmes s’avancer du fond du bois la grande figure de Gorcha qui marcha lentement vers notre groupe et s’assit à la table comme il l’avait fait le jour de mon arrivée.
    — Mon père, soyez le bienvenu, murmura sa belle-fille d’une voix à peine intelligible.
    — Soyez le bienvenu, mon père, répétèrent Sdenka et Pierre à voix basse.
    — Mon père, dit Georges d’une voix ferme, mais en changeant de couleur, nous vous attendons pour prononcer la prière !
    Le vieux se détourna en fronçant les sourcils.
    — La prière à l’instant même ! répéta Georges, et faites le signe de la croix ou par saint Georges...
    Sdenka et sa belle-sœur se penchèrent vers le vieux et le supplièrent de prononcer la prière.
    — Non, non, non, dit le vieillard, il n’a pas le droit de me commander et s’il insiste, je le maudis !
    Georges se leva et courut dans la maison. Bientôt il revint, la fureur dans les yeux.
    — Où est le pieu ? s’écria-t-il, où avez-vous caché le pieu ?
    Sdenka et Pierre échangèrent un regard.
    — Cadavre ! dit alors Georges en s’adressant au vieux, qu’as-tu fait de mon aîné ? Pourquoi as-tu tué mon enfant ? Rends-moi mon fils, cadavre !
    Et en parlant ainsi, il devenait de plus en plus pâle, et ses yeux s’animaient davantage.
    Le vieux le regardait d’un mauvais regard et ne bougeait pas.
    — Oh ! le pieu, le pieu ! s’écria Georges. Que celui qui l’a caché réponde des malheurs qui nous attendent !
    Dans ce moment nous entendîmes les joyeux éclats de rire de l’enfant cadet et nous le vîmes arriver à cheval sur un grand pieu qu’il traînait en caracolant dessus et en poussant de sa petite voix le cri de guerre des Serbes quand ils attaquent l’ennemi.
    À cette vue le regard de Georges flamboya. Il arracha le pieu à l’enfant et se précipita sur son père. Celui-ci poussa un hurlement et se mit à courir dans la direction du bois avec une vitesse si peu conforme à son âge qu’elle paraissait surnaturelle.
    Georges le poursuivit à travers champs et bientôt nous les perdîmes de vue.
    Le soleil s’était couché quand Georges revint à la maison, pâle comme la mort et les cheveux hérissés. Il s’assit près du feu et je crus entendre ses dents claquer. Personne n’osa le questionner. Vers l’heure où la famille avait coutume de se séparer, il parut recouvrer toute son énergie et, me prenant à part, il me dit de la manière la plus naturelle :
    — Mon cher hôte, je viens de voir la rivière. Il n’y a plus de glaçons, le chemin est libre, rien ne s’oppose à votre départ. Il est inutile, ajouta-t-il, en jetant un regard sur Sdenka, de prendre congé de ma famille. Elle vous souhaite par ma bouche tout le bonheur qu’on peut désirer ici-bas, et j’espère que vous aussi vous nous garderez un bon souvenir. Demain, au point du jour, vous trouverez votre cheval sellé et votre guide prêt à vous suivre. Adieu, rappelez-vous quelquefois votre hôte et pardonnez-lui si votre séjour ici n’a pas été aussi exempt de tribulations qu’il

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