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Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
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l’aurait désiré.
    Les traits durs de Georges avaient dans ce moment une expression presque cordiale. Il me conduisit dans ma chambre et me serra la main une dernière fois. Puis il tressaillit et ses dents claquèrent comme s’il grelottait de froid.
    Resté seul, je ne songeais pas à me coucher comme vous le pensez bien. D’autres idées me préoccupaient. J’avais aimé plusieurs fois dans ma vie. J’avais eu des accès de tendresse, de dépit et de jalousie, mais jamais, pas même en quittant la duchesse de Gramont, je n’avais ressenti une tristesse pareille à celle qui me déchirait le cœur dans ce moment. Avant que le soleil eût paru, je mis mes habits de voyage et je voulus tenter une dernière entrevue avec Sdenka. Mais Georges m’attendait dans le vestibule. Toute possibilité de la revoir m’était ravie.
    Je sautai sur mon cheval et je piquai des deux. Je me promettais bien, à mon retour de Jassy, de repasser par ce village, et cet espoir, si éloigné qu’il fût, chassa peu à peu mes soucis. Je pensais déjà avec complaisance au moment du retour et l’imagination m’en retraçait d’avance tous les détails, quand un brusque mouvement du cheval faillit me faire perdre les arçons. L’animal s’arrêta tout court, se roidit sur ses pieds de devant et fit entendre des naseaux ce bruit d’alarme qu’arrache à ses semblables la proximité d’un danger. Je regardai avec attention et vis à une centaine de pas devant moi un loup qui creusait la terre. Au bruit que je fis, il prit la fuite, j’enfonçai mes éperons dans les flancs de ma monture et je parvins à la faire avancer. J’aperçus alors à l’endroit qu’avait quitté le loup une fosse toute fraîche. Il me sembla en outre distinguer le bout d’un pieu dépassant de quelques pouces la terre que le loup venait de remuer. Cependant je ne l’affirme point, car je passai très vite auprès de cet endroit.
    Ici, le marquis se tut, et prit une prise de tabac.
    — Est-ce donc tout ? demandèrent les dames.
    — Hélas, non ! répondit M. d’Urfé. Ce que j’ai à vous raconter encore est pour moi d’un souvenir bien plus pénible, et je donnerais beaucoup pour en être délivré.
    Les affaires qui m’amenaient à Jassy m’y retinrent plus longtemps que je ne m’y étais attendu. Je ne les terminai qu’au bout de six mois. Que vous dirai-je ? C’est une vérité triste à avouer, mais ce n’en est pas moins une vérité qu’il y a peu de sentiments durables ici-bas. Le succès de mes négociations, les encouragements que je recevais du cabinet de Versailles, la politique en un mot, cette vilaine politique, qui nous a si fort ennuyés ces derniers temps, ne tarda pas à affaiblir dans mon esprit le souvenir de Sdenka. Puis, la femme du hospodar, personne bien belle et possédant parfaitement notre langue, m’avait fait, dès mon arrivée, l’honneur de me distinguer parmi quelques autres jeunes étrangers qui séjournaient à Jassy. Élevé, comme je l’ai été, dans les principes de la galanterie française, mon sang gaulois se serait révolté à l’idée de payer d’ingratitude la bienveillance que me témoignait la beauté. Aussi je répondis courtoisement aux avances qui me furent faites, et pour me mettre à même de faire valoir les intérêts et les droits de la France, je commençai par m’identifier avec tous ceux du hospodar.
    Rappelé dans mon pays, je repris le chemin qui m’avait amené à Jassy.
    Je ne pensais plus ni à Sdenka, ni à sa famille, quand un soir, chevauchant par la campagne, j’entendis une cloche qui sonnait huit heures. Ce son ne me parut pas inconnu et mon guide me dit qu’il venait d’un couvent peu éloigné. Je lui en demandai le nom, et j’appris que c’était celui de la Vierge du Chêne. Je pressai le pas de mon cheval et bientôt nous frappâmes à la porte du couvent. L’ermite vint nous ouvrir et nous conduisit à l’appartement des étrangers. Je le trouvai si rempli de pèlerins que je perdis l’envie d’y passer la nuit et je demandai si je pourrais trouver un gîte au village.
    — Vous en trouverez plus d’un, me répondit l’ermite en poussant un profond soupir, grâce au mécréant Gorcha il n’y manque pas de maisons vides !
    — Qu’est-ce à dire ? demandai-je, le vieux Gorcha vit-il encore ?
    — Oh, non, celui-là est bien et bellement enterré avec un pieu dans le cœur ! Mais il avait sucé le sang du fils de Georges. L’enfant est revenu

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