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Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
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leur mort.
    — Sdenka lui dis-je, où sont donc les images que vous aviez au cou ?
    — Je les ai perdues, répondit-elle d’un air d’impatience, et aussitôt elle changea de conversation.
    Je ne sais quel pressentiment vague, dont je ne me rendis pas compte, s’empara de moi. Je voulus partir, mais Sdenka me retint.
    — Comment, dit-elle, tu m’as demandé une heure, et voilà que tu pars au bout de quelques minutes !
    — Sdenka, dis-je, vous aviez raison de m’engager à partir ; je crois entendre du bruit et je crains qu’on ne nous surprenne !
    — Sois tranquille, mon ami, tout dort autour de nous, il n’y a que le grillon dans l’herbe et le hanneton dans les airs qui puissent entendre ce que j’ai à te dire !
    — Non, non, Sdenka, il faut que je parte !...
    — Arrête, arrête, dit Sdenka, je t’aime plus que mon âme, plus que mon salut, tu m’as dit que ta vie et ton sang étaient à moi !...
    — Mais ton frère, ton frère, Sdenka, j’ai un pressentiment qu’il viendra !
    — Calme-toi, mon âme, mon frère est assoupi par le vent qui joue dans les arbres ; bien lourd est son sommeil, bien longue est la nuit et je ne te demande qu’une heure !
    En disant cela, Sdenka était si belle que la vague terreur qui m’agitait commença à céder au désir de rester auprès d’elle. Un mélange de crainte et de volupté impossible à décrire remplissait tout mon être. À mesure que je faiblissais, Sdenka devenait plus tendre, si bien que je me décidai à céder, tout en me promettant de me tenir sur mes gardes. Cependant, comme je l’ai dit tout à l’heure, je n’ai jamais été sage qu’à demi, et quand Sdenka, remarquant ma réserve, me proposa de chasser le froid de la nuit par quelques verres d’un vin généreux qu’elle me dit tenir du bon ermite, j’acceptai sa proposition avec un empressement qui la fit sourire. Le vin produisit son effet. Dès le second verre, la mauvaise impression qu’avait faite sur moi la circonstance de la croix et des images s’effaça complètement ; Sdenka dans le désordre de sa toilette, avec ses beaux cheveux à demi tressés, avec ses joyaux éclairés par la lune, me parut irrésistible. Je ne me contins plus et je la pressai dans mes bras.
    Alors, mesdames, eut lieu une de ces mystérieuses révélations que je ne saurai jamais expliquer, mais à l’existence desquelles l’expérience m’a forcé de croire, quoique jusque-là j’aie été peu porté à les admettre.
    La force avec laquelle j’enlaçai mes bras autour de Sdenka fit entrer dans ma poitrine une des pointes de la croix que vous venez de voir et que la duchesse de Gramont m’avait donnée à mon départ. La douleur aiguë que j’en éprouvai fut pour moi comme un rayon de lumière qui me traversa de part en part. Je regardai Sdenka et je vis que ses traits, quoique toujours beaux, étaient contractés par la mort, que ses yeux ne voyaient pas et que son sourire était une convulsion imprimée par l’agonie sur la figure d’un cadavre. En même temps, je sentis dans la chambre cette odeur nauséabonde que répandent d’ordinaire les caveaux mal fermés. L’affreuse vérité se dressa devant moi dans toute sa laideur, et je me souvins trop tard des avertissements de l’ermite. Je compris combien ma position était précaire et je sentis que tout dépendait de mon courage et de mon sang-froid. Je me détournai de Sdenka pour lui cacher l’horreur que mes traits devaient exprimer. Mes regards, alors, tombèrent sur la fenêtre et je vis l’infâme Gorcha, appuyé sur un pieu ensanglanté et fixant sur moi des yeux de hyène. L’autre fenêtre était occupée par la pâle figure de Georges, qui dans ce moment avait avec son père une ressemblance effrayante. Tous deux semblaient épier mes mouvements et je ne doutai pas qu’ils s’élanceraient sur moi à la moindre tentative de fuite. Je n’eus donc pas l’air de les apercevoir, mais faisant un violent effort sur moi-même, je continuai, oui, mesdames, je continuai à prodiguer à Sdenka les mêmes caresses que je me plaisais à lui faire avant ma terrible découverte. Pendant ce temps, je songeais avec angoisse au moyen de m’échapper. Je remarquai que Gorcha et Georges échangeaient avec Sdenka des regards d’intelligence et qu’ils commençaient à s’impatienter. J’entendis aussi au-dehors une voix de femme et des cris d’enfants, mais si affreux qu’on aurait pu les prendre pour des hurlements de

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