Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Tolstoi, A. K.

Tolstoi, A. K.

Titel: Tolstoi, A. K. Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Die Familie des Wurdalak
Vom Netzwerk:
chats sauvages.
    — Voici qu’il est temps de plier bagage, me dis-je, et le plus tôt sera le mieux !
    M’adressant alors à Sdenka, je lui dis à voix haute et de manière à être entendu de ses hideux parents :
    — Je suis bien fatigué, mon enfant, je voudrais me coucher et dormir quelques heures, mais il faut d’abord que j’aille voir si mon cheval a mangé sa provende. Je vous prie de ne pas vous en aller et d’attendre mon retour.
    J’appliquai alors mes lèvres sur ses lèvres froides et décolorées et je sortis. Je trouvai mon cheval couvert d’écume et se débattant sous le hangar. Il n’avait pas touché à l’avoine, mais le hennissement qu’il poussa en me voyant venir me donna la chair de poule, car je craignis qu’il ne trahît mes intentions. Cependant les vampires, qui avaient probablement entendu ma conversation avec Sdenka, ne pensèrent point à prendre l’alarme. Je m’assurai alors que la porte cochère était ouverte, et, m’élançant en selle, j’enfonçai mes éperons dans les flancs de mon cheval.
    J’eus le temps d’apercevoir, en sortant de la porte, que la troupe rassemblée auprès de la maison, et dont la plupart des individus avaient le visage collé contre les vitres, était très nombreuse. Je crois que ma brusque sortie les interdit d’abord, car pendant quelque temps je ne distinguai, dans le silence de la nuit, rien que le galop uniforme de mon cheval. Je croyais déjà pouvoir me féliciter de ma ruse, quand tout d’un coup j’entendis derrière moi un bruit semblable à un ouragan éclatant dans les montagnes. Mille voix confuses criaient, hurlaient et semblaient se disputer entre elles. Puis toutes se turent, comme d’un commun accord, et j’entendis un piétinement précipité comme si une troupe de fantassins s’approchait au pas de course.
    Je pressai ma monture à lui déchirer les flancs. Une fièvre ardente me faisait battre les artères et, pendant que je m’épuisais en efforts inouïs pour conserver ma présence d’esprit, j’entendis derrière moi une voix qui me criait :
    — Arrête, arrête, mon ami ! Je t’aime plus que mon âme, je t’aime plus que mon salut ! arrête, arrête, ton sang est à moi !
    En même temps, un souffle froid effleura mon oreille et je sentis Sdenka me sauter en croupe.
    — Mon cœur, mon âme ! me disait-elle, je ne vois que toi, je ne sens que toi, je ne suis pas maîtresse de moi-même, j’obéis à une force supérieure, pardonne-moi, mon ami, pardonne-moi !
    Et, m’enlaçant dans ses bras, elle tâchait de me renverser en arrière et de me mordre à la gorge. Une lutte terrible s’engagea entre nous. Pendant longtemps je ne me défendis qu’avec peine, mais enfin, je parvins à saisir Sdenka d’une main par sa ceinture et de l’autre par ses tresses, et me roidissant sur mes étriers, je la jetai à terre !
    Aussitôt mes forces m’abandonnèrent et le délire s’empara de moi. Mille images folles et terribles me poursuivaient en grimaçant. D’abord Georges et son frère Pierre côtoyaient la route et tâchaient de me couper le chemin. Ils n’y parvenaient pas et j’allais m’en réjouir quand, en me retournant, j’aperçus le vieux Gorcha qui se servait de son pieu pour faire des bonds comme les montagnards tyroliens quand ils franchissent les abîmes. Gorcha aussi resta en arrière. Alors sa belle-fille, qui traînait ses enfants après elle, lui en jeta un qu’il reçut au bout de son pieu. S’en servant comme d’une baliste, il lança de toutes ses forces l’enfant après moi. J’évitai le coup, mais avec un véritable instinct de bouledogue, le petit crapaud s’attacha au cou de mon cheval, et j’eus de la peine à l’en arracher. L’autre enfant me fut envoyé de la même manière, mais il tomba au-delà du cheval et en fut écrasé. Je ne sais ce que je vis encore, mais quand je revins à moi, il était grand jour et je me trouvai couché sur la route à côté de mon cheval expirant.
    Ainsi finit, mesdames, une amourette qui aurait dû me guérir à jamais de l’envie d’en chercher de nouvelles. Quelques contemporaines de vos grand-mères pourraient vous dire si je fus plus sage à l’avenir.
    Quoi qu’il en soit, je frémis encore à l’idée que, si j’avais succombé à mes ennemis, je serais devenu vampire à mon tour ; mais le ciel ne permit pas que les choses en vinssent à ce point, et loin d’avoir soif de votre sang, mesdames, je ne demande pas mieux,

Weitere Kostenlose Bücher