Tolstoi, A. K.
J’écris très spécifiquement « ouvrages littéraires », car il existait déjà au début du 18 ème siècle des ouvrages qui parlaient de revenants, ou plus précisément de vampires, tel le livre d’Augustin Calmet « Dissertations sur les apparitions des anges, des démons et des esprits. Et sur les revenans et vampires. De Hongrie, de Boheme, de Moravie et de Silesie » (4) , mais qui était cependant un ouvrage de nature scientifique.
La première mention connue d’un vampire dans la littérature provient de Heinrich August Ossenfelder, dont le poème « Der Vampir » est paru en 1748. Deux autres poèmes le suivirent, tout d’abord « Lenore » par Gottfried August Bürger en 1773 (qui, par contre ne mentionne pas explicitement un vampire, mais clairement un revenant) et ensuite le poème de Johann Wolfgang von Goethe « Die Braut von Corinth » (« La fiancée de Corinthe ») en 1797. Ces trois poèmes constituent à la fois le début et la fin de la littérature vampirique du 18 ème siècle. Pas un seul livre de vampire n’a encore été écrit et le genre du Gothic Novel (Roman gothique), qui intégrera la littérature vampirique, n’en n’est qu’aux balbutiements.
Au début du 19 ème siècle, d’autres narrations et d’autres contes brefs sont publiés ; par exemple la narration de Johann Ludwig Tieck de 1805 « Wake Not The Dead » (dont malheureusement aucune version en langue originale n’a survécu), ou le poème de John Stagg « The Vampyre », paru en 1810 (Answers.com). Enfin, c‘est seulement en 1819 que paraît pour la première fois un roman de vampire ; « The Vamypre » de John Polidori. Il est à l’origine de la littérature vampirique moderne et décrit, contrairement au folklore, le vampire en temps que gentilhomme cultivé et désirable. (5)
Mais si les origines de la littérature vampirique se situent en Angleterre, par quel biais parviendrait un russe à écrire un récit de vampire en langue française ? C’est Estelle de Valls de Gomis qui nous livre la réponse,
C’est avec John Keats, puis Polidori, Le Fanu ou Stoker, que la figure du vampire va se préciser, pour métamorphoser la vénéneuse vampiresse en un ténébreux vampire. (2005 : 77)
Valls de Gomis nous décrit ainsi non seulement le développement du vampire, d’un monstre à un gentilhomme, mais elle souligne implicitement que les auteurs de la littérature anglaise ont influencé la conception française de la littérature vampirique.
Il reste encore à établir le lien entre la littérature vampirique en Europe et celle en Russie. Le chaînon manquant est l’auteur russe Nikolaj Wassilijevitch Gogol. Gogol a publié en 1835 une nouvelle dénommée « Vij », qui selon Bunson « a introduit la thématique des revenants dans la littérature russe » (6) (2001 : 111). Bien que nous devrions partir du principe que cet ouvrage n’a pas exercé une influence primaire sur Tolstoï (si nous tenons compte de l’histoire de la littérature précédente), nous pouvons assumer le fait qu’il connaissait le « Vij », dont les images absurdes occupent une place importante dans le « Vourdalak » (comme nous allons le développer dans le chapitre suivant).
L’anglais, l’allemand et le français étaient des langues importantes du temps de Tolstoï, qui les maitrisait toutes (Lequesne 1993 :10 et Yudina). Voyageur lettré, nous pouvons présumer qu’il avait accès aux ouvrages qui circulaient aux 18 ème et 19 ème siècles et qu’il les lisait.
Dès lors que les sources historiques et littéraires pouvant être à l’origine du récit de Tolstoï, sont mises en lumière, il suffit encore d’assembler les pièces du puzzle.
3. Influences directes sur « La Famille du Vourdalak » d’Alexeï Konstantinovitch Tolstoï
La difficulté d‘attribution des sources spécifiques à un auteur réside en l’absence de preuve pour nos hypothèses, à moins que l’auteur n’ai pris des notes pendant son travail avec l’ouvrage en question. En l’occurrence, nous devons nous appuyer uniquement sur le récit « La Famille du Vourdalak ».
La meilleure preuve du lettrisme de Tolstoï se retrouve dans le « Vourdalak » même. Dans la page 99 l’auteur russe écrit : « L’abbé Augustin Calmet, dans son curieux ouvrage sur les apparitions, en cite des exemples effrayants » (2012). L’ouvrage de Calmet n’est pas nommé explicitement, mais, connaissant ce que Calmet a écrit, cette phrase peut
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