Tolstoi, A. K.
se sauvant ainsi la vie.
Contrairement au « Vourdalak » de Tolstoï, la ballade de Goethe reste une simple histoire d’amour ; les amoureux vivent un Happy End — pour ainsi-dire. La mariée prédit elle-même, que le jeune homme lui appartient et qu’elle est sortie de sa tombe pour le trouver et l’emmener avec elle.
Le sépulcre a lâché sa proie, et je viens redemander le bien qu’on m’a ravi ; je viens pour aimer encore le fiancé perdu et sucer le sang de son cœur. […] // Beau jeune homme ! tu ne peux vivre plus longtemps ; tu languirais désormais dans ce lieu. Je t’ai donné ma chaîne, je prends avec moi une boucle de tes cheveux ; regarde-la bien ! demain tu auras blanchi, […]. (Goethe : Psychanalyse-Paris.com)
Tolstoï laisse à son vampire féminin un peu plus d’humanité ; Sdenka veut sauver le Marquis d’Urfé, car elle l’aime et ne souhaite pas sa mort : « c’est bien ta Sdenka que tu avais oubliée. […] Tout est fini maintenant, il faut que tu partes ; un moment de plus et tu es perdu ! Adieu, mon ami, adieu pour toujours ! » (2012 : 127) Mais soudain Sdenka se souvient de la promesse que d’Urfé lui a donné et doit se battre avec elle-même, car elle veut le Marquis :
— […] comme lorsque je chantais la ballade du vieux roi et que tu es entré dans cette chambre ? C’est là ce que tu veux dire ? Eh bien, soit, je te donne une heure !
— Mais non, non, dit-elle, en se reprenant, pars, va t’en ! — Pars plus vite, te dis-je, fuis !... mais fuis donc tant que tu le peux ! (2012 :128)
Mais il lui devient de plus en plus pénible de résister, et le Marquis doit fuir l’endroit. Leur histoire d’amour s’achève ainsi. Et, bien que Sdenka puisse encore le rattraper et lui demander ce qui lui a été promis, « — Arrête, arrête, mon ami ! Je t’aime plus que mon âme, je t’aime plus que mon salut ! arrête, arrête, ton sang est à moi ! » (2012 : 133), ces mots lui démontrent combien son serment a été dangereux, et lorsque Sdenka les lui répète une dernière fois, ses mots résonnent complètement déformés et comme rien de plus qu’une absurdité.
« La fiancée de Corinthe » et « La Famille du Vourdalak » sont deux histoires fondamentalement différentes — et pourtant nous rencontrons dans l’histoire d’amour des jeunes gens des parallèles évidents, à tel point que nous pouvons affirmer que Tolstoï devait connaître cette ballade de Goethe.
Au 19 ème siècle, les influences de Tolstoï deviennent plus difficiles à tracer. Il ne semble pas qu’il y ait de parallèles avec le récit de Tieck « Wake Not The Dead ». Dans ce conte, le protagoniste de Tieck laisse ressusciter sa femme, décédée de longue date. Bientôt, il découvre qu’elle se nourrit du sang de jeunes personnes. Alors il la tue, afin de se sauver, lui et ce qui reste de son royaume. Il est malgré tout damné et écrasé par sa nouvelle épouse transformée en un serpent géant, et son château s’écroule dans le feu.
Il n’est pas non plus possible de trouver de points communs avec le récit « The Vampyre » de Stagg. L’auteur nous raconte l’histoire d’un époux mourant. Celui-ci explique à son épouse qu’un ami mort depuis quelques jours lui rend visite pendant son sommeil et suce son sang. Il décrit à sa femme, comment détruire ce vampire, et aussi comment procéder à l’identique après son propre décès, afin de lui éviter de devenir à son tour un vampire.
Nous pouvons présumer que la première histoire de vampire du 19 ème siècle, ayant eut de l’influence sur Tolstoï est « The Vampyre » de John William Polidori. Ce récit ressemble plus à l’histoire de vampire classique, dans laquelle un jeune homme curieux voyage avec un inconnu. Le jeune protagoniste au nom d’Aubrey découvre très vite que son accompagnateur Lord Ruthven, est peu apprécié, mais il continue cependant à le suivre, empli d’admiration pour cet homme mystérieux. Mais pendant l’un de leurs voyages Lord Ruthven est tué par un groupe de bandits. C’est alors qu’Aubrey découvre le mystère de son ami — capable de ressusciter d‘entre les morts. Alors, Lord Ruthven fait promettre à Aubrey de garder le silence durant une année. En épilogue, Lord Ruthven épouse la sœur d’Aubrey, Aubrey lui-même, considéré comme atteint de folie, est interné dans une clinique psychiatrique. Sa sœur est trouvée morte après la nuit de noces,
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