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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Madame, afin que… l’empereur puisse effectuer tout ce long voyage sans trop en souffrir !
    Ces précautions, il les prit en effet quand, le 10 mars, Frédéric III et sa suite quittèrent San Remo par le train. Le souverain voyagea couché et reçut l’interdiction formelle d’émettre le moindre son. Avec le roi d’Italie, Victor-Emmanuel II, qui l’accompagna jusqu’en Suisse, il s’entretint exclusivement à l’aide de petits papiers arrachés d’un carnet et que l’impératrice, qui ne le quittait pas, l’aidait à écrire.
    À Leipzig, un nouveau voyageur monta dans le train : c’était Bismarck, venu accueillir son nouveau maître.
    L’entrevue des deux hommes fut protocolaire et froide. Aucune affinité n’existait entre eux et l’empereur savait déjà que le chancelier ferait tout au monde pour contrecarrer la politique qu’il espérait avoir le temps d’instaurer. Quant au vieux lion, il supputait silencieusement, froidement, le temps de rémission que la maladie accorderait encore à son souverain. Peut-être allait-on, dès maintenant, le renvoyer à son domaine de Varzin, à ses grands arbres qu’il aimait tant mais qui jamais ne pourraient remplacer pour lui le jeu enivrant du pouvoir.
    Il fut tout de suite rassuré.
    — Nous vous conserverons notre confiance, lui dit Frédéric, sachant bien qu’un renvoi déclencherait une révolte dans l’armée, et j’espère que nous saurons concilier nos idées pour le plus grand bien de l’Empire.
    Concilier ? Quel étrange mot pour Bismarck ! Celui-là non plus, il n’en connaissait pas le sens, du moins avec les gens qu’il entendait combattre. Il se contenta donc de saluer profondément, sans répondre, puis se retira dans son compartiment personnel.
    À Berlin, dans la gare de Charlottenburg, le nouveau prince héritier attendait… anxieux lui aussi de constater de visu l’état exact de son père. Enveloppé de son dolman au col relevé, entouré de son état-major, Willy guettait la portière du wagon impérial avec une avidité dont il ne pouvait se défendre. Il s’attendait à voir surgir une civière, des brancardiers… Jamais l’Empereur ne pourrait se tenir debout avec cette tempête de neige qui tournoyait furieusement sûr la Prusse…
    D’autres aussi attendaient : les Berlinois, qui s’étaient massés là par milliers pour recevoir, eux aussi, un prince chef au cœur du peuple. Toutes les cloches de la ville s’étaient mises à sonner quand le train était entré en gare et, autour du long tapis rouge, la garde formait une haie étincelante et rigide.
    Soudain, une immense acclamation emplit l’air. L’empereur venait d’apparaître et c’était bien l’empereur, pas un malade couché sur un brancard. Debout, en uniforme (un uniforme dont le haut col cachait habilement l’affreuse canule respiratoire), casque en tête, la main appuyée à la garde de son sabre, Frédéric III reçut en même temps ce tonnerre de joie qui montait vers lui et le regard stupéfait de son fils…
    L’effort qu’avait fourni l’empereur en se montrant sous les armes à son peuple fut héroïque mais épuisant. En arrivant au palais de Charlottenburg, il dut s’aliter. Comme son épouse lui reprochait ce qu’elle considérait comme une grave imprudence, il répondit avec un sourire qui reflétait encore la joie éprouvée en sentant monter vers lui cette grande vague d’amour de son peuple :
    — Le bonheur, c’est un bon médecin, Vicky ! Je vais faire de mon mieux pour durer… autant que je le pourrai. Avec une vie sage et bien organisée, ce doit être possible.
    — Une vie sage ? Avec le travail écrasant qui est celui d’un souverain ? Si seulement vous me permettiez de vous en décharger quelque peu !
    — Je ne veux pas vous exposer à lutter contre Bismarck. Vous avez toujours été hostiles l’un à l’autre et il faut que les inimitiés s’apaisent. Le travail se fera, soyez tranquille.
    Et en effet, ce moribond se mit au travail avec une héroïque énergie. Dès son accession au trône, il publiait trois rescrits : dans le premier, il se déclarait fidèle au principe d’une monarchie « constitutionnelle et pacifique » ; dans le second, il exposait son programme de gouvernement en insistant sur la tolérance religieuse et l’adoucissement des inégalités sociales ; dans le troisième, enfin, il rendait hommage, très diplomatiquement, à l’action du prince de Bismarck, mais

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