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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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transporter par eau dans la belle demeure qu’avait affectionnée le Grand Frédéric, son ancêtre. Le bateau qui l’emmena, l’ Alexandra , traça son chemin liquide sous un véritable déluge de fleurs dispersées par les milliers de Berlinois massés sur les rives du fleuve. Encore un triomphe, ce court voyage, mais hélas, le dernier, encore que le plus touchant peut-être. Jamais plus Frédéric III ne connaîtrait cet accueil populaire qui savait si bien trouver le chemin de son cœur.
    Le 7 juin, les médecins constatèrent que la trachée artère s’était ouverte spontanément, et le 10, Sir Morell Mackenzie, découragé, se résigna à avouer à son auguste malade :
    — Je regrette d’avoir à constater, Sire, que Votre Majesté ne fait aucun progrès.
    — Croyez, mon cher docteur, que j’en suis peiné, répondit le mourant par écrit (il y avait des semaines qu’il ne s’exprimait plus autrement). J’aurais beaucoup aimé vous faire plaisir.
    Le 11, néanmoins, il se trouva pris d’une espèce de fièvre de travail, comme son père au moment de mourir avait été pris d’une fièvre de paroles. Il écrivit presque toute la journée, sachant bien que le temps lui était désormais chichement compté. Le 12, on ne put le nourrir qu’artificiellement. Et pourtant, il réussit encore à recevoir le roi de Suède. Mais cette fois, c’était bien la fin. L’agonie commençait. Elle dura trois jours.
    Le 15 juin, enfin, à onze heures du matin, s’achevait ce long martyre, et ce règne d’un homme de bonne volonté qui n’avait duré que quatre-vingt-dix-huit jours exactement.
    L’impératrice s’abîma alors dans une douleur profonde. Elle perdait le seul homme qu’elle eût jamais aimé, le cher compagnon de toute une existence, et ne devait pas s’en remettre.
    Mais tout le monde n’éprouvait pas le même chagrin loin de là. À peine Frédéric III eut-il exhalé le dernier soupir, que le nouvel empereur, Guillaume II, faisait littéralement investir le palais de Potsdam par des troupes qui avaient ordre d’en contrôler sévèrement les entrées et les sorties.
    Ce comportement inqualifiable de la part d’un fils visait à permettre au nouveau souverain de s’emparer de tous les papiers personnels de son père. C’était une insulte publique et gratuite à l’égard d’une femme douloureuse qui était sa mère. Le gentil Willy jetait son dernier masque, sans se douter qu’il appelait sur sa race une étrange malédiction.
    Il se déshonora pour rien. Connaissant bien son fils, Frédéric avait pris ses précautions, et peu de temps avant sa mort, il avait rassemblé tous ses papiers dans un portefeuille de maroquin et les avait confiés à un ami, le colonel Swann qui avait quitté l’Allemagne immédiatement pour regagner Londres. Et ce fut entre les mains de la reine Victoria que furent déposés les papiers personnels de l’empereur d’Allemagne, ainsi que son testament.
    En effet, une profonde estime et une véritable affection avaient uni la vieille souveraine à son premier gendre. Durant les dernières semaines qui avaient précédé sa mort, Victoria avait fait en personne le voyage de Potsdam pour lui rendre visite. Cette imposante présence avait alors incité Bismarck et son élève à plus de retenue, tout en permettant à Frédéric de prendre les dispositions qu’il avait eu le temps d’exécuter.
    Mais naturellement, l’investissement de son palais par les soldats de son fils blessa profondément l’impératrice-veuve. Indignée, elle quitta aussitôt une demeure qu’elle considérait comme souillée, et avant de se retirer au château de Friedrichshof, se fit conduire chez Bismarck afin de lui faire connaître son sentiment sur une conduite aussi offensante.
    Hélas, jugeant sans doute qu’il n’avait plus de gants à prendre avec une femme qui n’était plus rien, le chancelier refusa purement et simplement de la recevoir, alléguant qu’il avait beaucoup trop à faire pour le service de son nouvel empereur.
    Écœurée par ce nouveau coup, l’impératrice refusa d’assister aux funérailles de son époux, dont elle jugeait l’apparat aussi hypocrite qu’injurieux pour elle puisqu’elle devait voir sa belle-fille y prendre le pas. Dans sa demeure elle fit célébrer un service spécial et rendit ainsi, à sa manière, hommage à celui qu’elle avait aimé par-dessus tout.
    D’ailleurs, Bismarck et son élève mettaient une sorte

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