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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John LOCKE
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employée dans une guerre injuste, qu'autant qu'il paraît l'avoir exci­tée ou fomentée, il ne doit pas être censé plus coupable d'une guerre de cette nature, qu'il doit l'être de la violence et de l'oppression dont auraient usé ses conducteurs envers lui-même, ou envers une partie de leurs sujets, ne les ayant pas plus autorisés à un égard qu'à l'autre. Les conquérants, à la vérité, ne se mettent guère en peine de faire ces sortes de distinctions; au contraire, ils ne se plaisent qu'à confondre tout dans la guerre, afin d'envahir et d'emporter tout; mais cela ne change ni ne diminue point le droit; car un conquérant n'ayant de droit et de pouvoir sur ceux qu'il a subjugués, qu'en tant qu'ils ont employé la force contre lui pour faire ou soutenir des injustices, il peut avoir un pouvoir légitime sur ceux qui ont concouru et consenti à ces injustices et à cette violence, mais tout le reste est innocent; et il n'a pas plus de droit sur un peuple conquis, qui ne lui a fait nul tort, et qui, par cette raison, n'a point perdu son droit à la vie, qu'il en a sur aucun autre peuple, qui, sans lui faire tort et sans le provo­quer, aura vécu honnêtement avec lui.
     
    180. En troisième lieu, le pouvoir qu'un conquérant acquiert sur ceux qu'il subju­gue dans une juste guerre est entièrement despotique. Par ce pouvoir, il a droit de disposer absolument, et comme il lui plait, de la vie de ceux qui, s'étant mis dans l'état de guerre, ont perdu le droit propre qu'ils avaient sur leurs personnes; mais il n'a pas un semblable droit à l'égard de leurs possessions. je ne doute point que d'abord cette doctrine ne paraisse étrange : elle est trop opposée à la pratique ordinaire, pour n'être pas regardée comme un paradoxe. Quand on parle des pays qui sont tombés sous la domination d'un Prince, on n'a guère accoutumé d'en parler autrement que comme de pays conquis. Il semble que les conquêtes seules portent avec elles, et confèrent infail­liblement le droit de possession; que ce que pratique le plus fort et le plus puis­sant doit être la règle du droit; et que, parce qu'une partie de la condition triste des gens subjugués consiste à ne contester point à leurs vainqueurs leurs prétentions, et à subir les conditions qu'ils prescrivent, l'épée à la main, ces prétentions et ces condi­tions deviennent par-là justes et bien fondées.
     
    181. Quand un homme emploie la force contre un autre, il se met par-là en état de guerre avec lui. Or, soit qu'il commence l'injure par une force ouverte, ou que l'ayant faite sourdement et par fraude, il refuse de la réparer et la soutienne par la force, c'est la même chose, et l'un et l'autre est guerre. En effet, qu'un homme enfonce la porte de ma maison tout ouvertement, me jette dehors avec violence; ou qu'après s'y être glissé sans bruit, il la garde et m'empêche, par force, d'y entrer, ce n'est qu'une seule et même chose. Au reste, nous supposons ici, que ceux dont nous parlons se trouvent dans cette sorte d'état où l'on n'a point de commun juge sur la terre auquel on puisse appeler. C'est donc l'injuste usage de la violence qui met un homme dans l'état de guerre avec un autre; et par-là, celui qui en est coupable perd le droit qu'il avait à la vie, car abandonnant la raison, qui est la règle établie pour terminer les différends et décider des droits de chacun, et employant la force et la violence, c'est-à-dire, la voie des bêtes, il mérite d'être détruit par celui qu'il avait dessein de détruite, et d'être regardé et traité comme une bête féroce, qui ne cherche qu'à dévorer et à engloutir.
     
    182. Mais parce que les fautes d'un père ne sont pas les fautes de ses enfants, qui peuvent être raisonnables et paisibles, quoiqu'il ait été brutal et injuste : un père, par sa mauvaise conduite et par ses violences peut perdre le droit qu'il avait sur sa personne et sur sa propre vie; mais ses enfants ne doivent point être enveloppés dans ses crimes, ni dans sa destruction. Ses biens, que la nature, qui veut la conservation de tous les hommes autant qu'elle est possible, a fait appartenir à ses enfants pour les empêcher de périr, continuent toujours à leur appartenir. Car, supposons qu'ils ne se soient point joints à leur père dans une guerre injuste, soit parce qu'ils étaient trop jeunes et dans l'enfance, soit parce que, par leur propre choix, ils n'ont pas voulu se joindre à lui, il est manifeste

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