Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
d’Auschwitz.
Comme mon habillement était relativement chaud et mes chaussures presque intactes, j’avais pu quant à moi supporter assez bien le transport et il me restait encore un peu de pain à notre arrivée à Mauthausen. Dans le nouveau camp, c’était le même train de vie monotone et stupide imposé aux détenus. Comme tous les nouveaux arrivants, nous dûmes passer à la douche, à la désinfection, avant d’être casés dans des blocs, où nous devions assister à l’appel et subir les tracasseries habituelles.
Le troisième jour après notre arrivée eut lieu un appel en fin d’après-midi. Nous étions rassemblés et je ne pensais à rien de fâcheux lorsque l’un des chefs S.S. nous ordonna brusquement : « Tous les détenus du commando spécial, heraus [6] ! » Je ressentis un choc à l’estomac et demeurai pantois. Mon cœur battait à tout rompre mais je me ressaisis vite. L’ordre fut répété, mais sans réaction de notre côté. Personne ne bougea. Il fut alors proféré une troisième fois, d’une manière énergique et sur un ton menaçant. Mais il n’eut aucun effet. Je regardai prudemment autour de moi et reconnus à proximité les kapos Schlojme et Lajzer ainsi que quelques camarades du commando spécial. Ils se tenaient impassibles dans les rangs et essayaient de donner l’impression qu’ils ne se sentaient nullement concernés. Comme au troisième commandement personne ne se manifestait, le chef S.S., qui ne nous connaissait pas, se mit à courir dans nos rangs en scrutant d’un regard perçant quelques détenus. Il pensait sans doute ainsi nous intimider.
L’intérêt que l’on montrait à Mauthausen pour les détenus survivants du commando spécial me parut de mauvais augure et dissipa mes illusions ; je pensais qu’il suffirait, à la direction du camp, pour nous confondre, de nous confronter avec l’un des chefs de commando qui avaient été en service dans les crématoires de Birkenau. Ainsi lui aurait-il été facile de procéder au simulacre d’une dernière « sélection ». Pourquoi ne le faisait-elle pas ? C’était pour moi une énigme. Mais peut-être était-ce simplement dû à la débâcle et à la défaite militaire ; peut-être aussi ne voulait-on pas faire connaître aux S.S. du camp de Mauthausen les agissements criminels des S.S. affectés à cette époque aux centres d’anéantissement de Haute-Silésie. Cependant, l’appel se prolongeait. Enfin, après toutes les mises en demeure de sortir des rangs restées sans résultat, il prit fin. Mais j’entendais toujours cet ordre menaçant : « Les détenus du commando spécial d’Auschwitz, heraus ! » Heureusement, L’Unterführer S.S. se détourna finalement et l’ordre de départ m’enleva un poids sur le cœur. Je respirai avec soulagement et me joignis aux autres détenus pour recevoir la ration du soir. Une fois de plus mon espoir de survivre s’affermissait. J’entrevoyais le bout du tunnel et voulais croire que plus rien ne s’opposerait à ma libération si l’effondrement militaire du III e Reich, dont tous les signes devenaient visibles, se confirmait.
Mais on n’en était pas encore là. Quelques jours plus tard, je fus transféré dans le camp annexe de Melk. Les installations industrielles de production avaient été mises à l’abri en profondeur sous les collines des environs. Notre travail était pénible et astreignant. Il consistait à creuser de nouveaux abris. Nous travaillions sur des échafaudages étroits et élevés, avec des compresseurs pneumatiques, en enlevant des masses de terre et de rochers afin d’agrandir la cavité. Le travail avait lieu en deux équipes, par alternance. Le chantier se trouvait à quelques kilomètres du camp. Le travail était dangereux et nous nous blessions fréquemment, notamment lorsque, sous l’action des perforeuses, d’importantes masses de terre se détachaient et se déversaient sur nous. En outre, les échafaudages, constitués par l’assemblage de planches étroites, étaient mal fixés et il arrivait assez souvent que l’un de nous fût précipité au sol, se rompant les os. D’autre part, notre ravitaillement était absolument insuffisant. Comme mes camarades, je m’affaiblissais de jour en jour. Mes forces déclinaient et je me demandais avec inquiétude si je pourrais encore supporter longtemps ce travail éreintant.
Un soir, à l’appel, on demanda un candidat électricien. Mon expérience du
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