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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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arbitrairement par des fonctionnaires du camp de concentration à l’insu de leurs chefs S.S. Il ne parvenait pas à admettre, dans sa conception simpliste du droit, que des détenus puissent abattre sans motif leurs coreligionnaires. Il ne pouvait se faire à l’idée que dans le lieu où nous nous trouvions, un détenu fût capable de devenir semblable à une bête féroce en liberté.
    L’interminable exercice de dressage du dimanche prit fin. Il fallut se rassembler pour l’appel des matricules. Le secrétaire de bloc Vacek descendit l’escalier et renouvela ses commandements stéréotypés : « Garde à vous ! Les casquettes sur la tête ! Fixez les yeux droit devant vous ! » Puis il fit le compte de ses hommes, par rangées et dans chaque rang, et ensuite celui des détenus abattus dont les corps gisaient dans un coin de la cour. Il griffonna le résultat de son inventaire sur un morceau de papier qu’il remit au détenu doyen de bloc. Au commandement : « Enlevez les casquettes ! », nous arrachâmes de la tête nos bonnets crasseux en les faisant claquer contre la couture de nos pantalons. Un claquement général synchronisé donna l’assurance à Vacek que l’épreuve sanglante précédente avait porté ses fruits.
    Le Rottenfuhrer Schlage, qui se tenait devant la porte du bloc, descendit à son tour l’escalier. Arrivé dans la cour, il se fit remettre l’inventaire du doyen du bloc ; il en vérifia l’exactitude en arpentant l’aile gauche des rangs et en dénombrant les détenus. Dans le silence de mort, on n’entendait que le gazouillement des hirondelles. Soudain courut un chuchotement ; le D r  Paskus était sorti brusquement des rangs et se tenait figé à trois pas de Schlage. Il était raide et fixait avec intrépidité le chef S.S. Quand il parla, son indignation n’était pas feinte :
    — Chef, en tant qu’homme et juriste, je dois vous informer que le chef de bloc ici présent (et il montra du doigt Vacek) a froidement abattu des hommes innocents. Ils sont entassés dans ce coin de la cour. Je suis convaincu qu’il a tué ces hommes à l’insu de ses supérieurs et des autorités de l’État. Nous avons été envoyés ici pour travailler et non pour être battus à mort. Le président de l’État tchécoslovaque, M gr  Tiso, a garanti notre sécurité de sa haute personnalité. C’est pourquoi je vous demande de faire procéder à une enquête sur ces agissements et de punir les coupables.
    Un silence de mort plana sur le camp. Les détenus, stupéfaits du courage de leur coreligionnaire, retenaient leur souffle et fixaient Schlage. Mais à leur grande surprise, celui-ci n’eut aucune réaction et demeura figé comme une statue devant le D r  Paskus. Il semblait se préparer à parler, tandis que les muscles de son visage tressaillaient comme sous l’effet d’un courant électrique ; enfin ses joues et son cou se colorèrent sous l’impulsion d’une colère contenue. Cela dura quelques secondes, puis il parvint à se dominer et cria :
    — Vacek, approchez !
    — À vos ordres, chef, répondit Vacek, qui vint se mettre au garde-à-vous devant son supérieur.
    — Tu as entendu les sottises qu’a débitées ce cochon de juif ?
    — Oui, chef, aboya le secrétaire de bloc.
    — Alors, donne-lui ce qu’il mérite, ordonna Schlage.
    Vacek bondit vers l’escalier pour récupérer sa matraque caoutchoutée. Il la brandit et en assena des coups violents sur le crâne de Paskus, jusqu’à ce que celui-ci tombe à terre, assommé. Puis il traîna le corps inanimé et le lança sur le monceau de cadavres.
    Le résultat de la « séance sportive » du dimanche se chiffrait à 35 détenus morts, entassés dans la cour du bloc 11. Schlage, qui avait suivi avec satisfaction le comportement de son subordonné, se retourna alors vers nous et nous demanda avec cynisme :
    — Quelqu’un d’autre a-t-il une réclamation à présenter ?
    Il jeta un regard circulaire sur nos rangs et fit signe au doyen du bloc de continuer l’appel de midi : « Dépêchez-vous », ordonna-t-il ; mais nos tourments n’étaient pas près de prendre fin.
    Épuisés, nous nous tenions derrière la cuve en bois contenant le thé, et nous attendions la distribution du jour. Le thé était complètement refroidi, ce n’était d’ailleurs pas la première fois que cela arrivait. Vacek courait comme un fou dans la cour, agitant les mains et nous traitant de gredins. Il

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