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Un bateau pour l'enfer

Un bateau pour l'enfer

Titel: Un bateau pour l'enfer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gilbert Sinoué
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ne peut pas s’appliquer de manière rétroactive. Les visas ont été délivrés avant que ne soit publié le décret en question. Vos passagers débarqueront. Croyez-moi. Le colonel Benitez me l’a formellement assuré. »
    Schröder se laissa tomber sur son siège.
    « Il y a autre chose… »
    Il brandit le premier télégramme que lui avait expédié le directeur de la Hapag et lut d’une seule traite :
    « “Ordre impératif vous rendre à La Havane à toute vapeur à cause de deux autres bâtiments, Orduna , anglais, et Flandre , français, même destination, mêmes passagers.” »
    Il pointa son doigt vers le hublot.
    « Comme vous pouvez le constater, ces navires ne sont toujours pas là. Ce qui prouve que j’ai rempli ma mission.
    — Et je vous en félicite, capitaine.
    — Là n’est pas la question ! Pourquoi m’a-t-on imposé cette course de vitesse ? Quel rapport avec cette histoire de décret ?
    — C’est pourtant clair : le premier arrivé, le premier servi. Désormais, dans l’esprit des autorités cubaines, ce sont nos passagers qui sont prioritaires. Vous me suivez ? »
    Non, Schröder ne suivait pas.
    Clasing s’était levé.
    « Je vous tiendrai au courant. Soyez confiant. Vous verrez, tout ira bien. »
    Il tendit sa main à Schröder, qui la saisit mollement.
    Au moment de franchir le seuil de la cabine, il se retourna.
    « De toute façon, capitaine, je ne vois vraiment pas pourquoi vous vous mettez dans cet état. Vous venez de le faire remarquer, votre mission a été accomplie. Vous avez mené sains et saufs vos passagers jusqu’à La Havane. C’est bien ce que l’on vous demandait, non ? Par ailleurs, ce ne sont que des Juifs ! Alors ? »
    Il souligna ces derniers mots par un geste d’indifférence. En refermant la porte, il entendit Schröder s’écrier : « Ce sont des vies humaines, Herr Clasing ! Des vies humaines ! »
    Berlin, ce même 26 mai
    Adolf Hitler sautillait littéralement sur place.
    « Vous ne comprenez pas, Herr Speer ! J’aspire à des édifices grandioses capables de résister au temps pendant au moins un millénaire ! La nouvelle chancellerie devra posséder cette caractéristique. Dans le vieux bâtiment wilhelminien de Paul Wallot, nous aménagerons pour les députés des salles de lecture et des salles de repos. Je veux bien que la salle des séances devienne une bibliothèque ! Mais avec ses cinq cent quatre-vingts places, elle est beaucoup trop petite pour nous ! Nous en construirons une autre tout à côté ; prévoyez-la pour mille deux cents députés ! »
Albert Speer [50] fronça les sourcils. Mille deux cents députés ? Cela supposait un peuple d’environ cent quarante millions d’hommes ! Quelle démographie espérait-il donc pour l’Allemagne ? Mais il se garda bien de faire la moindre remarque.
    Le Führer poursuivait son monologue.
    « Et puis la future place Adolf-Hitler ! Elle devra être située à l’ombre du Grand Dôme. »
    Il pointa son index sur la maquette.
    « Vous avez bien fait de vous inspirer du Panthéon de Rome. C’est excellent. Et l’ouverture pour faire passer la lumière. C’est très judicieux. Rappelez-moi les dimensions de tout ça ? »
    Albert Speer s’empressa d’expliquer :
    « L’ouverture aura un diamètre de quarante-six mètres, dépassant de trois mètres celui de la coupole romaine. Le volume intérieur sera dix-sept fois plus grand que celui de la basilique Saint-Pierre. De l’extérieur, le Dôme aura l’apparence d’une montagne verte de deux cent trente mètres de haut, car nous le recouvrirons de plaques de cuivre patiné. Au sommet, j’ai prévu une lanterne vitrée de quarante mètres de haut, réalisée dans une construction métallique aussi légère que possible. Et, tout au-dessus de cette lanterne, nous poserons un aigle qui tiendra une croix gammée entre ses serres. Au total, le volume extérieur de l’édifice représentera plusieurs fois la masse du Capitole de Washington. Cependant il y a un problème auquel il faudra songer…
    — Un problème ? Quel problème ?
    — Un tel édifice placé en plein cœur de la capitale, qui sortirait des couches basses des nuages, risque d’être un point de repère idéal pour les escadrilles des bombardiers ennemis, une sorte de poteau indicateur menant au centre gouvernemental du Reich, situé exactement au nord et au sud de la coupole. »
    Le Führer se plia en deux en se

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